Qui aurait imaginé que TikTok, souvent pointé du doigt pour la viralité de la désinformation, opterait un jour pour un système de vérification collaboratif inspiré de X (anciennement Twitter) ? Face à la pression croissante autour de sa présence aux États-Unis, la plateforme chinoise tente-t-elle de redorer son blason ou de détourner l’attention du véritable débat : la fiabilité réelle de l’information sur les réseaux sociaux ?
La nouveauté, baptisée « Footnotes », permet désormais aux utilisateurs de TikTok de rajouter des précisions et des contextualisations sous forme de notes communautaires à n’importe quelle vidéo. Mais suffit-il d’appliquer une couche de modération collaborative pour garantir la qualité des contenus ? Alors que TikTok explique vouloir « enrichir les débats » grâce à l’expertise de ses membres, comment s’assurer que ces notes ne deviennent pas un nouvel outil de manipulation ou de trolling ?
Ce mécanisme, qui rappelle fortement les Community Notes de X, repose lui aussi sur un algorithme de classement où les contributeurs doivent évaluer les suggestions des autres avant qu’elles ne soient visibles. Cependant, TikTok promet une technologie « maison », différente de celle de ses concurrents. Ne s’agit-il pas là d’une manière détournée de maîtriser (ou d’orienter ?) les débats en interne, tout en affichant une volonté d’ouverture et de consensus ?
TikTok prend un virage participatif pour crédibiliser son contenu, mais la vraie question reste : qui contrôle la véracité ?
Contrairement à Meta, qui a récemment intégré les Community Notes dans ses applications, TikTok assure qu’il ne modifie ni ses règles de modération, ni ses partenariats existants de fact-checking. Les Footnotes, ajoute la plateforme, n’auront d’impact ni sur la visibilité algorithmique des vidéos ni sur leur présence dans l’onglet « Pour Toi ». Pourquoi alors ajouter cette fonctionnalité maintenant, si ce n’est pour répondre aux critiques politiques, et, dans le même temps, éviter un durcissement des contraintes réglementaires ?
Du reste, TikTok semble lancer cette expérimentation dans une relative discrétion. Les utilisateurs américains peuvent s’inscrire afin de devenir contributeurs, à condition d’être majeurs, d’avoir plus de six mois d’ancienneté et un casier vierge vis-à-vis des règles communautaires. Les premières notes ne seront donc pas visibles avant plusieurs mois. L’affaire prendra-t-elle de l’ampleur ou restera-t-elle un simple gadget de communication ?
Ce changement intervient alors que la survie même de TikTok aux États-Unis demeure incertaine. Une rallonge de 75 jours accordée par Washington doit permettre à TikTok de négocier un accord, idéalement avec des investisseurs américains. Mais entre la guerre commerciale, la méfiance sécuritaire et la pression sur la transparence algorithmique, TikTok n’est-il pas en train de jouer sa dernière carte ?
Reste à voir si cette stratégie de « surveillance participative » saura convaincre le public, les autorités et surtout les sceptiques de l’intégrité de la plateforme. La multiplication de ces outils contribuera-t-elle à une réelle amélioration du débat public ou ne fait-elle que créer l’illusion d’une solution, sans réellement combattre la désinformation de fond en comble ?
Finalement, la vraie question demeure : les Footnotes offriront-ils plus de transparence ou ne feront-ils qu’ajouter une couche supplémentaire à une mécanique déjà complexe de régulation de l’information numérique ?
Source : Engadget