Comment un petit pays peut-il soudainement devenir le théâtre d’une guerre contre les cryptomineurs ? C’est la question qui s’impose en observant la récente offensive lancée par le gouvernement du Koweït. Pourquoi ce pays du Golfe, relativement discret sur la scène crypto mondiale, décide-t-il d’interdire sans compromis le minage de cryptomonnaies, et surtout maintenant ? Y a-t-il un lien entre cette chasse aux mineurs et la crise énergétique qui couve dans la région ?
À la veille d’un été qui s’annonce titanesque avec des températures pouvant dépasser les 52°C, le Ministère de l’Intérieur koweïtien a lancé une vaste opération de sécurité pour traquer les “fermes” de minage cachées dans les habitations. Raison invoquée : sauver le réseau électrique, mis à rude épreuve par une pratique interdite depuis 2023. Mais pourquoi diaboliser cette activité au point de la comparer à la contrebande ou à la fraude ? Les autorités assurent que certaines maisons consommaient vingt fois plus d’électricité que la normale dans la région d’Al-Wafrah, provoquant des coupures et un risque de black-out généralisé.
D’après les chiffres officiels, l’éradication d’une centaine d’exploitations clandestines aurait fait chuter la demande énergétique locale de 55 % ! Un tel impact soulève-t-il la question de l’ampleur réelle du phénomène, pourtant décrit comme marginal par les experts ? Ou bien cache-t-on d’autres usages énergivores dans ces quartiers désormais sous surveillance ?
La guerre au minage de cryptomonnaie est-elle une question de sécurité nationale ou une réaction excessive face à un phénomène marginal ?
D’ailleurs, le Koweït n’est pas seul dans cette croisade contre les mineurs : la Russie, le Kosovo, l’Angola et même la très “verte” Islande imposent des restrictions, évoquant tous l’argument énergétique. Mais la crypto serait-elle réellement coupable de l’instabilité des réseaux ? Selon des chercheurs de Cambridge, le Koweït ne représentait que 0,05 % du minage mondial de bitcoin en 2022. Or, selon Alex de Vries-Gao, expert énergétique, il suffirait d’une infime part du réseau pour perturber significativement la fragile infrastructure électrique du pays.
À l’échelle internationale pourtant, la question prend un tout autre relief. Aux États-Unis par exemple, le minage représenterait jusqu’à 2,5 % de la consommation énergétique totale du pays, soit près de la moitié de l’énergie utilisée par l’ensemble du secteur commercial américain. De quoi donner des arguments aux gouvernements ; mais jusqu’où ces chiffres justifient-ils une traque musclée pour défendre l’accès à l’électricité publique ?
Faut-il y voir un simple prétexte pour asseoir un contrôle accru sur le secteur numérique, ou une réponse désespérée aux défis environnementaux et énergétiques mondiaux ? Les défenseurs du secteur critiquent une politique du “tout ou rien”, déplorant l’absence de solutions pour intégrer durablement le minage dans les réseaux existants, voire d’incitations à utiliser une énergie renouvelable abondante dans la région.
Alors, l’exemple du Koweït va-t-il inspirer d’autres pays à imposer des bans radicaux ou, au contraire, ouvrir la porte à une prise de conscience sur la nécessité de réformer la production et la répartition d’énergie ? Face à ce casse-tête énergétique et technologique, ne devrions-nous pas nous demander si le véritable problème, ce n’est pas tant le “mineur” que notre (in)capacité à gérer collectivement l’explosion des usages électriques ?
Source : Engadget