Comment une entreprise aussi puissante que Google en arrive-t-elle à devoir verser plus d’un milliard de dollars pour avoir, selon la justice texane, bafoué la vie privée de ses utilisateurs ? Est-ce un simple accident de parcours ou le symptôme d’un malaise plus profond dans la gestion des données personnelles par les géants de la tech ? La récente décision de Google de régler deux poursuites judiciaires au Texas à hauteur de 1,375 milliard de dollars soulève d’importantes questions sur l’avenir de la protection de nos informations les plus sensibles.
Le procureur général du Texas, Ken Paxton, ne mâche pas ses mots : il accuse Google d’avoir, pendant des années, collecté les données biométriques – empreintes vocales, géométrie du visage – ainsi que les déplacements et recherches privées de millions de personnes sans consentement explicite. Pourquoi Google aurait-il pris le risque de telles pratiques ? S’agit-il d’une recherche d’innovation ou d’une course inquiétante à la monétisation de chaque détail de notre vie numérique ? Paxton se félicite de ce qu’il considère comme une victoire majeure, sans cacher son indignation face à la “surveillance” occulte opérée par l’entreprise.
Mais que répond Google à ces attaques ? L’entreprise balaie les accusations en parlant de « caricature » de ses produits. D’après ses porte-parole, la reconnaissance faciale dans Google Photos permettrait simplement de mieux organiser les albums photo des utilisateurs. Et en acceptant la transaction, Google nie toute faute ou responsabilité. Pourquoi alors accepter de payer une somme record sans rien concéder officiellement ? Peut-on régler le problème de la vie privée à coups de milliards, ou s’agit-il simplement d’acheter le silence et la tranquillité légale ?
À mesure que les procès s’enchaînent, la confiance envers les géants du web semble s’effriter, malgré le poids écrasant de leurs accords financiers.
Google affirme en outre qu’aucune modification ne sera apportée à ses produits suite à l’accord, et que la plupart des controverses sont « déjà réglées ailleurs ». Pourtant, ce règlement intervient dans le sillage d’une amende quasi identique infligée à Meta (ex-Facebook), également accusé au Texas de collecte abusive de données biométriques via la reconnaissance faciale automatique. Est-on face à un effet domino ? Les géants de la Silicon Valley sont-ils, enfin, tenus responsables de leurs actes, ou assistons-nous à une danse cynique d’arrangements financiers leur permettant de continuer, presque à l’identique, leurs récoltes massives de nos données ?
La question de la confidentialité des données refait donc surface avec une acuité particulière aux États-Unis, et particulièrement au Texas, où la législation sur les biométriques est l’une des plus strictes. Mais qu’en est-il pour le reste du monde ? D’autres États ou pays réussiront-ils à imposer de véritables limites à des entreprises dont le modèle économique tout entier repose sur l’exploitation commerciale du moindre de nos comportements numériques ?
En France et en Europe, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) est souvent présenté comme un rempart. Pourtant, l’exemple texan montre que, face à la puissance de ces plateformes, l’enjeu dépasse largement les simples frontières législatives. Le consommateur, trop souvent, avance à l’aveugle, priant pour que son image, sa voix ou ses déplacements ne soient pas rentabilisés à son insu.
Qui protège réellement les citoyens quand les géants du numérique préfèrent payer plutôt que changer ?
Source : Engadget