Comment une société de VTC peut-elle s’imposer dans l’écosystème B2B de la logistique en Inde, un marché déjà saturé et dominé ? Uber, habituellement associée au transport de personnes, prend aujourd’hui un virage opposé à ce qui l’a rendue célèbre — et s’attaque désormais à la livraison pour entreprises dans l’un des marchés les plus compétitifs et dynamiques du globe. Mais à qui profite réellement cette nouvelle opération et quelles sont les zones d’ombre derrière le partenariat avec le réseau ONDC soutenu par l’État indien ?
En s’alliant à l’ONDC, ce réseau numérique public destiné à diversifier l’e-commerce face aux géants Amazon et Walmart-Flipkart, Uber ne se contente pas de dépoussiérer son offre : elle veut changer la donne pour des milliers de PME indiennes en misant sur sa flotte de 1,4 million de chauffeurs. Pourquoi Uber cible-t-il en priorité la livraison de repas business-to-business ? Est-ce une stratégie provisoire ou la première pierre d’un empire logistique plus vaste, couvrant l’e-commerce, la pharmacie, les courses alimentaires, voire la logistique médicale ?
La concurrence ne risque-t-elle pas de s’intensifier avec l’arrivée d’Uber ? Sur le réseau ONDC, les acteurs sont déjà nombreux et puissants : Shiprocket, Shadowfax, Porter ou encore Loadshare, tous soutenus par des investisseurs majeurs, sont bien décidés à défendre leur part de marché. Or, Uber ferait le pari d’un service en marque blanche, à l’image de « Uber Direct » lancé aux États-Unis, mais cette fois en exclusivité pour les utilisateurs de l’ONDC. Quelles surprises réserve-t-il aux entreprises indiennes ?
Uber cherche à se réinventer sur un marché logistique indien en pleine explosion, mais saura-t-il s’y imposer durablement face à des concurrents locaux et internationaux déjà bien rôdés ?
Ce virage logistique d’Uber ne tombe pas du ciel : la société a lancé récemment « Courier XL » dans quelques grandes villes, permettant le transport de colis volumineux. Dans le même temps, des données révèlent que la logistique indienne devrait croître de 49 % pour atteindre 13,4 billions de roupies d’ici 2028. Uber, qui a déjà vu ses revenus exploser de plus de 41 % sur un an rien qu’en Inde, tente donc de surfer sur une vague de croissance économique, mais le timing est-il vraiment si parfait lorsque la concurrence locale ne cesse d’innover ?
D’autant que la bataille ne concerne pas que la livraison : la guerre des VTC indiens fait rage avec l’émergence de Rapido ou Namma Yatri, soutenus par des géants comme Google et WestBridge Capital. Uber n’aurait-il pas plus à perdre qu’à gagner en multipliant les fronts ? Cette diversification est-elle la clé pour ne pas décrocher dans un marché indien où chaque succès d’hier peut devenir l’échec de demain ?
Parallèlement à cette offensive logistique, Uber intègre l’achat de tickets de métro sur son application — une fonctionnalité née d’un accord avec l’ONDC et déjà disponible pour le métro de Delhi, bientôt dans trois autres grandes villes. L’ambition paraît claire : occuper chaque recoin de la mobilité urbaine indienne, au-delà du transport de passagers. Mais cette stratégie suffira-t-elle à redonner des couleurs à l’ONDC qui, malgré ses prétentions à répliquer le succès d’UPI dans le paiement numérique, peine à convaincre et voit le volume de commandes reculer de 34 % depuis octobre dernier ?
Ce partenariat inespéré pourrait donc booster un ONDC affaibli par la fuite de ses dirigeants et le désintérêt des géants du secteur. L’avènement d’un nouvel écosystème, rassemblant mobilité, e-commerce et logistique sous une seule bannière, est-il réellement à portée de main ? Ou bien observe-t-on le début d’une nouvelle bataille où seule une poignée d’acteurs en sortira victorieuse ?
Source : Techcrunch