Le dernier épisode de Doctor Who, “Wish World,” nous pousse à nous demander : Russell T. Davies tourne-t-il en rond avec ses scénarios, ou a-t-il trouvé une façon subtile de recycler les thématiques du passé ? Cette nouvelle aventure est-elle un hommage malin ou la répétition fatiguée d’idées déjà exploitées ?
En Bavière, 1865, la Rani fait un retour fracassant, accompagnée de scènes presque sorties d’un conte horrifique : enlèvement d’un nourrisson aux pouvoirs mystérieux, transformation de toute une famille en animaux. Un prélude aussi glauque que spectaculaire. Mais est-ce vraiment la meilleure façon de réintégrer un des antagonistes les plus intrigants de la série, ou un simple gadget narratif pour amorcer un enchaînement de situations bizarres qui rappellent fortement « The Sound of Drums / Last of the Time Lords » ?
Changement de décor brutal : on retrouve le Docteur et Belinda dans une parodie de vie domestique, piégés dans une réalité factice et régressive, où la société ressemble à une dystopie de la classe moyenne britannique. Pourquoi cette insistance sur une normalité dérangeante, faite de couleurs pastel et de surveillance permanente ? Et surtout, peut-on ignorer l’absence totale de technologies modernes – sauf ces étranges téléviseurs qui ne diffusent qu’un seul message omniprésent : tout va bien, le temps sera radieux, mais gare à ceux qui doutent de la version officielle.
“Wish World” interroge sur le danger des réalités alternatives manipulées par la peur et la conformité, même si la série peine parfois à explorer ses promesses narrative.
Le vrai maître du jeu, Conrad, sculpte cette réalité à l’image de ses fantasmes autoritaires : hétérosexualité forcée, surveillance policière, et ostracisme implacable de toute “différence”. Que vise vraiment Russell T. Davies en associant son grand méchant à une caricature d’activiste réactionnaire et… fan de Harry Potter ? Le clin d’œil est joliment piquant, mais n’est-ce pas un peu simpliste dans le contexte ? Où s’arrête la satire, et où commence la caricature excessive ?
Si Ruby, Shirley et les marginaux tentent de se rebeller, la série reprend alors ses thèmes favoris : la résistance silencieuse, le surgissement de doutes dans une société policière. Pourtant, on sent un certain malaise : la mécanique narrative se fait plus laborieuse, et les retournements de situation du dernier acte se noient dans un flot d’explications technobabble caractéristiques de Davies. Sommes-nous encore dans la critique sociale, ou tout cela n’est-il qu’un rideau de fumée pour masquer un manque de nouveauté ?
L’arrivée d’anciennes figures comme la Rani, la référence à Omega, ou l’apparition d’objets emblématiques (le Sceau de Rassilon), attisent la fibre des fans, mais ne camouflent pas la ressemblance frappante avec des intrigues déjà vues il y a plus de quinze ans. Doctor Who est-il condamné à tourner en boucle sur ses propres mythologies, tout en raccourcissant et en simplifiant le récit pour mieux s’adapter au format actuel ?
Finalement, on ne peut s’empêcher de se demander si la série parvient encore à surprendre ou si elle se contente de recycler la nostalgie à grands coups de références, en sacrifiant la cohérence au profit du spectacle. Les intentions sont-elles diluées dans un empilement de pistes jamais vraiment explorées ? L’avenir du Docteur passera-t-il forcément par la ressuscitation perpétuelle de ses vieux démons ?
Alors, Russell T. Davies saura-t-il offrir une vraie conclusion à la hauteur de ces enjeux, ou la série se contentera-t-elle définitivement de rejouer ses plus grands succès dans un éternel remake ?
Source : Engadget