Peut-on vraiment contrôler ce que nous propose l’algorithme de Spotify? Après dix ans d’existence, la célèbre playlist “Discover Weekly” du géant suédois vient de subir une mise à jour majeure : mais cette évolution sonne-t-elle comme une révolution ou camoufle-t-elle d’autres enjeux?
Aujourd’hui, alors que chaque lundi des millions d’usagers attendent fébrilement leurs recommandations personnalisées, Spotify introduit enfin la possibilité de filtrer les suggestions par genre musical. Est-ce le signe que la suprématie de la machine doit s’adapter aux volontés humaines? Qui n’a jamais fulminé devant une liste certes bien ficelée, mais hors sujet par rapport à ses envies du moment?
Grâce à ce nouvel outil, les détenteurs d’un compte Premium pourront orienter l’algorithme selon leurs préférences – un coup de pouce pour les nostalgiques des années 80 qui veulent tenter l’aventure du K-pop, ou simplement pour varier les découvertes, au doigt et à l’œil. Mais jusqu’où Spotify ira-t-il dans cette délégation du pouvoir à l’utilisateur? S’agit-il d’une vraie reprise en main, ou d’un simple effet de manche technique qui dissimule la main lourde de la recommandation automatisée?
De la playlist automatique à l’écoute sur-mesure, Spotify veut-il vraiment rendre du pouvoir à ses abonnés, ou garder la mainmise sur leurs habitudes?
Les chiffres sont éloquents : plus de 100 milliards de morceaux écoutés via Discover Weekly, avec 77% des écoutes dédiées à des artistes émergents. L’utilisateur lambda, est-il devenu le cobaye d’un carnet d’adresses musical orchestré par les algorithmes, ou profite-t-il vraiment d’une ouverture sur de nouveaux horizons culturels? Comment vérifier que la diversité promise n’est pas qu’une illusion statistique?
L’activation des nouveaux filtres s’opère dans l’onglet “Made for You”, pour celles et ceux dont l’application est à jour. Mais cette innovation s’inscrit dans un mouvement plus large de “reprenariat” de l’expérience utilisateur : Spotify a récemment revu la gestion de la file d’attente et permet désormais de “snoozer” les morceaux indésirables pour trente jours. Faut-il y voir une simple opération séduction face à la concurrence grandissante, ou une vraie remise en question du diktat algorithmique?
Derrière ces évolutions, une question plane : Spotify cherche-t-il à instaurer une nouvelle confiance avec ses abonnés, en affichant plus de transparence et de contrôle, ou joue-t-il sur la corde sensible du libre arbitre, tout en gardant la haute main sur la découverte musicale? À l’heure où l’intelligence artificielle façonne nos bandes-son personnelles, la frontière entre autonomie et pilotage invisible ne cesse de s’effriter.
Finalement, la révolution promise par Spotify n’est-elle qu’un subtil mirage? Ou bien un premier pas vers une expérience réellement personnalisée, où le mélomane dicte – enfin – sa propre découverte?
Source : Techcrunch