Depuis quand Google fait-il la pluie et le beau temps sur le marché indien du jeu en ligne ? Le géant californien a récemment proposé de grands changements dans sa politique de Play Store et de publicité en Inde. S’agit-il d’une simple ouverture vers plus de jeux impliquant de l’argent réel, ou bien d’une tentative stratégique pour clore une affaire antitrust qui menace son monopole sur le secteur ?
Il est rare qu’une affaire dérange autant la tranquillité des GAFAM en Inde. Pourtant, sous la pression de la Competition Commission of India (CCI) et d’un acteur local comme WinZO, Google a sorti une « proposition d’engagement » : désormais, tous les jeux d’argent réel qui se déclarent en conformité avec la loi pourraient prétendre à une diffusion sur la boutique officielle. Mais qui peut garantir que ces développeurs jouent le jeu ? L’entreprise exige que chaque application prouve, via une tierce partie reconnue, qu’elle se classe dans la catégorie des « jeux d’adresse ». Est-ce une avancée ou un simple écran de fumée ?
Rappelons qu’en 2022, un programme pilote avait timidement ouvert la porte aux applications de fantasy sport et de rami. Mais face à l’exclusion des autres jeux d’argent, WinZO n’a pas tardé à se rebeller, arguant d’une discrimination flagrante. La CCI s’est alors saisie de l’affaire, ordonnant une enquête qui fera date, tandis que Google, en janvier dernier, annonçait l’extension du programme à d’autres marchés… avant de rebrousser chemin en juin 2024, ne laissant que les applications du pilote 2022 en ligne. Est-ce la preuve d’une hésitation stratégique ou le signe de pressions réglementaires de plus en plus contraignantes ?
Entre ouverture du marché et volonté d’éviter les sanctions, Google tente-t-il surtout d’assurer ses intérêts économiques ?
Dans ses dernières propositions, Google promet d’assouplir ses règles afin de permettre aux développeurs de jeux d’argent réel – déclarés conformes – d’accéder au Play Store indien et aux outils publicitaires, à condition de coopérer avec des organismes tels que la All India Gaming Federation. Mais en fixant la mise en place de ces modifications à 120 ou 150 jours après l’aval du régulateur, la firme joue-t-elle simplement la montre pour gagner du temps ?
En toile de fond, ce bras de fer n’est pas uniquement une question de conformité réglementaire. Derrière la volonté affichée de Google de bâtir « un écosystème plus ouvert et sécurisé », l’enjeu est aussi financier : le marché indien du jeu en ligne pèse près de 3 milliards de dollars, et l’univers du real-money gaming y représente 86% des revenus, même si la tendance est à la diversification. Peut-on vraiment croire à une ouverture dénuée de tout calcul commercial de la part du géant américain ?
Pour les développeurs locaux, cette proposition pourrait constituer un tournant. Faut-il y voir la fin du contournement par les APK autohébergés et le début de l’accès massif au Play Store ? La CCI, qui n’a pas encore tranché sur la question de la discrimination, conserve le pouvoir de bouleverser ou d’entériner le statu quo.
Ce dossier s’ajoute à la longue liste de démêlés juridiques de Google en Inde, où l’entreprise fait déjà l’objet de lourdes amendes pour abus de position dominante. Ce contexte pourrait-il influencer la décision finale des autorités et redistribuer les cartes d’un secteur en plein essor ?
Si l’acceptation de la proposition de Google par la CCI pourrait transformer le visage du marché du jeu en ligne en Inde, n’est-il pas légitime de se demander si l’innovation et la concurrence seront réellement mieux protégées à l’avenir, ou si le numérique indien restera sous étroite surveillance des grandes plateformes mondiales ?
Source : Techcrunch




