L’été n’est pas seulement la saison des barbecues et des motifs hawaïens, c’est aussi celle des mises à jour absurdes, des fuites savamment orchestrées et des révolutions sans cause. Sur la plage numérique de juillet, Google, Apple, Meta et cie nous concoctent un cocktail d’annonces plus ou moins secouées, entre gadgets qui s’aimantent, modes de charge sans fil, IA omniprésente et grandes messes pour l’automatisation du marketing. Pendant que le consommateur cherche quel casque, micro ou smartphone adopter pour survivre à la nouvelle vague, les géants réécrivent nuit et jour les règles du jeu pour que, surtout, tout change sans que rien ne change.
Regardez du côté de Google, qui, à défaut de garder ses secrets, a transformé la conférence « Made by Google » en foire à la fuite, tout en alignant à la chaîne Pixel 10, Pixel Watch 4 « plus épaisse, plus costaud » et recharge aimantée façon MagSafe, histoire de vendre du renouveau en recyclant du connu. Aux antipodes, Apple sabre proprement : iOS 26 sonne le glas pour les iPhones XR et consorts, balayant du revers de la main des millions d’utilisateurs qui n’auront droit ni aux nouveautés design ni aux correctifs de sécurité. Est-ce la promesse d’un progrès toujours plus inclusif, ou le tri méthodique d’un cheptel devenu trop encombrant ?
Même dynamique de l’obsolescence orchestrée dans la sphère des outils numériques : chez Dropbox, la gestion des mots de passe rejoint le cimetière des applis mortes-vivantes, invitant chaque utilisateur à ne plus jamais croire à la pérennité d’un service en ligne tant que la croissance ne fait pas le triple axel (mot de passe-partout, Dropbox perd la clé !). Mais dans le même temps, l’ironie de cette digitalisation forcenée explose : les champions de l’open source ou du respect de la vie privée (salut, Proton) tentent de troquer la servitude consentie pour une liberté clé en main, alors même que l’adoption massive reste minée par la facilité d’usage des écosystèmes tentaculaires. On veut bien se libérer de Google, mais sans lever le petit doigt.
Au royaume de la tech, la modernité consiste à vendre du nouveau en promettant l’innovation, tout en verrouillant l’accès par la porte de l’habitude – et surtout du portefeuille.
Le comble, finalement, c’est que cette quête de fluidité, de simplicité, de personnalisation – entre IA qui réalise votre menu chez Uber Eats, casques sans fil qui vous coupent du monde et stations multi-charges qui promettent l’ordre absolu – débouche sur une jungle de choix, d’API universelles, de compatibilités verrouillées et d’obsolescences programmées. A chaque annonce, le client est renvoyé à ses arbitrages de consommateur raisonnable : la recharge sans fil n’existe que pour ceux qui paient l’écosystème complet, la sécurité n’est garantie que si vous ne quittez jamais la maison-mère, et la création de contenu « pro » dépend soudain de la capacité à jongler entre cent accessoires.
Ce cirque high-tech questionne la profondeur même de nos rapports à l’innovation : jusqu’où ira-t-on dans l’intégration parfaite, l’illusion de la liberté et la dépendance entretenue par la peur de rater le prochain wagon logiciel ? La véritable révolution n’est-elle pas, finalement, dans la capacité du marché à créer de l’inédit en maintenant une permanente rareté, et dans notre acceptation de voir nos repères, outils et usages être, chaque été, effacés au son d’une keynote pleine d’ironie ?




