Marche forcée vers l’IA dans la Tech, licenciements chez Coinbase pour hérésie anti-Copilot, flibuste numérique chez Workday, inverter solaire transformé en cheval de Troie, financement désespéré dans la fusion nucléaire… Quel tableau ! L’époque où la Tech promettait d’éclairer notre monde vire à la saga paranoïaque, entre griffes kafkaïennes, piraterie RH et promesse stellaire d’une Lune qui, elle, reste fidèle à ses phases. Que révèle cette convergence de crises techniques, stratégiques et existentielles ? Peut-être que la lumière qui devait nous guider commence à grésiller sur notre tableau électrique collectif.
La généralisation contrainte de l’IA chez Coinbase, avec en point d’orgue l’ultimatum de Brian Armstrong façon “Sors ta clé SSH ou prends la porte !”, consacre l’entrée dans un capitalisme dopé à l’automatisation. Pendant que l’humain doit désormais justifier son refus de Copilot un samedi matin, l’éthique attend sagement dans le couloir. Or, ce culte de l’innovation à marche forcée a un désagrément : la technologie qui exclut finit vite par imploser de l’intérieur, comme le prouvent ces cas d’adoption du tout-IA où les ingénieurs expérimentés deviennent brusquement des parias à rééduquer. Parallèlement, la frénésie du cloud RH, prétendu sanctuaire des données personnelles, se fait percer par la première lance phishing venue, emportant dans l’indifférence un pan de notre intimité salariale. Chez Workday, la transparence c’est maintenant de l’opaque “blog furtif” : pas vu, pas pris, pas su.
La vulnérabilité n’est pas qu’organique ou RH : c’est tout le réseau du progrès qui prend l’eau, jusqu’aux fondations de la Green Tech. La démocratisation des onduleurs solaires connectés, présentée comme la panacée de la transition énergétique, se révèle un choix de société non délibéré : nous avons importé l’internet de la fragilité jusque sur nos toits, variant du “1234” sur babyphone à la prise à distance sur stock d’énergie domestique. L’épisode EG4 illustre, en creux, la faillite d’un secteur qui confond rapidité de diffusion et maturité de la cybersécurité. Pendant ce temps, le spectacle cosmique de la Lune, indifférente à notre agitation, offre une leçon sur l’acceptation des cycles naturels et du changement de perspective—quand le monde des start-ups se rêve croissant perpétuel, notre satellite rappelle que décroître, ce n’est pas toujours mourir.
Entre fusion nucléaire rêvée, IA imposée et cybersouci solaire, la Tech semble définitivement avoir perdu le sens de la phase… et des phases.
Sur fond de course effrénée vers la fusion à la sauce canadienne—où chaque levée de fonds ressemble à un dernier virement avant blackout—se dessine le portrait d’un progrès schizophrène. Les start-ups deeptech veulent provoquer le “breakeven” scientifique pendant que l’infrastructure crie grâce, que la donnée fuit et que l’humain tremble à l’idée de ne plus être “augmenté” dès potron-minet. L’innovation, proclamée solution à tout, devient paradoxalement un facteur de tension sociale et une machine à produire des goulots d’étranglement réglementaires, de vulnérabilités invisibles… et d’absurdité organisationnelle—jusqu’à la soustraction arbitraire du droit de résister à l’accélération elle-même.
Faudra-t-il attendre que la prochaine pleine Lune, impassible sur notre chaos, vienne nous rappeler qu’il y a encore de la poésie et de la mesure hors du règne algorithmique ? Cette marche accélérée à travers failles, investissements précaires et licenciements “numériques” interroge moins l’avenir de l’innovation que notre capacité à, simplement, décélérer, sécuriser et choisir le moment du changement. Dans la comédie tragique de la Tech, ce n’est pas l’IA ou la fusion qui nous menacent, mais la perte du sens collectif de la lumière… et de l’ombre.




