Admirons la nouvelle frénésie collective où IA, course à l’espace et philanthropie digitale se télescopent dans un joyeux tohu-bohu d’innovations, d’investissements et de storytelling. Alors qu’EtherealX prétend inventer une Inde cosmique capable de bousculer la Silicon Valley d’Elon Musk (Le nouveau SpaceX viendra-t-il d’Inde ?), la tech américaine distribue ses milliards comme un magicien affolant, entre leviers politiques pour décrocher des contrats stratégiques en terres rares (Vulcan Elements : contrat stratégique ou succès arrangé ?) et gadgets d’intelligence artificielle qui veulent nous faire oublier que, parfois, un algorithme va jusqu’à inventer une vie à nos sénateurs (Peut-on vraiment maîtriser l’intelligence artificielle quand elle accuse à tort).
Pendant qu’on rêvasse à Bangalore, c’est dans le secteur des matériaux scientifiques que la véritable révolution se trame. Periodic Labs a compris que le prochain « big bang » de la science ne viendrait pas seulement d’une énième relance budgétaire mais de la synergie crue entre LLM, bras robotique et gourmandise pour les échecs scientifiques (Periodically Yours: Quand la science fait sa (r)évolution de labo). À bien y regarder, tous veulent posséder quelque chose d’unique : la mainmise sur la matière (les aimants pour Vulcan), l’orbite (pour EtherealX), ou la capacité de rendre la recherche 2.0 aussi sexy qu’une keynote d’Apple. Mais la ligne de crête est glissante, car ces efforts reposent de plus en plus sur la confiance aveugle dans des algorithmes capables – il faut l’avouer – d’autant de prouesses techniques que de bourdes mémorables.
Ce sont précisément ces IA, omniprésentes, qui se mettent à coloniser tout : le diagnostic automobile chez Rivian, l’apprentissage instantané à la Oboe Oboe : l’IA peut-elle vraiment révolutionner l’apprentissage personnalisé ?, ou la quête effrénée d’une énergie (présumée) verte par Meta, bien content de justifier l’explosion de la dépense électrique de ses data centers par des certificats aussi solaires que cosmétiques Meta : Quand l’éclat solaire cache parfois une zone d’ombre. Les start-ups d’apprentissage personnalisés vous promettent la générosité de l’éducation sur mesure pendant que GoFundMe transforme l’altruisme en e-card à collectionner Don et carton : la carte cadeau qui change la donne. À chaque étape, un même credo : la technologie, c’est le progrès – sauf quand c’est la confusion ou la spéculation pure.
L’exaltation technologique d’aujourd’hui recycle with love les travers du passé, tout en promettant de flirter perpétuellement avec la disruption…
Irrésistiblement, toutes ces avancées se heurtent au même mur : la réalité. Que ce soit la robustesse d’un lanceur réutilisable, le mythe d’une IA fiable ou la promesse que chaque certificat d’énergie verte sauve une girafe et une planète, les questions de confiance, de transparence et d’alignement éthique sont évacuées au profit de la prochaine levée de fonds. Et au moindre incident – bug, faux positif ou énième greenwashing – la tech se planque derrière la complexité ou la phase pilote, laissant le public naviguer entre foi aveugle et lucidité inquiète. Plus encore, ce sont les interfaces elles-mêmes (Rivian, Oboe, GoFundMe, Periodic Labs…) qui deviennent l’enjeu, cristallisant l’affrontement entre la promesse de personnalisation et la réalité d’un contrôle parfois totalement illusoire.
Reste la question qui tue : à force de vouloir confier nos dogmes, nos relations, notre savoir et notre énergie à des algorithmes, ne sommes-nous pas en train de construire un immense couloir de miroirs où la lumière du progrès pourrait bien, elle aussi, finir par se réfléchir à l’infini sur quelque zone d’ombre technologique ? On s’enthousiasme pour la performance et la « scalabilité » alors que ce sont la responsabilité, la rigueur et l’audace humaine qui restent les vrais carburants (verts, évidemment) de l’innovation sincère.
