La révolution proptech peut-elle vraiment résoudre le chaos du marché immobilier égyptien ? Si, jusqu’à récemment, acquérir un bien immobilier au Caire relevait plus de l’aventure incertaine que d’un investissement rationnel, la jeune pousse Nawy promet de tout changer. Mais cette promesse est-elle à la hauteur de la transformation annoncée ?
Depuis sa fondation en 2019 par Mostafa El Beltagy, Nawy a pris le pari osé de rendre la transparence à un marché longtemps gouverné par des réseaux privés, des intermédiaires motivés par leur propre commission, et des promoteurs qui privilégiaient la vente rapide à la satisfaction réelle des acheteurs. Pourquoi l’Égypte, dont le secteur immobilier pèse près de 30 milliards de dollars, était-elle si déconnectée de l’ère numérique ? Il aura fallu l’expérience frustrante d’El Beltagy lui-même – ancien cadre chez Vodafone, désireux d’investir dans la pierre comme rempart contre l’inflation et la dévaluation de la livre égyptienne – pour qu’une solution émerge.
Avec plus de 75 millions de dollars levés, dont une part massive de 23 millions en dette auprès des plus grandes banques locales, Nawy semble aujourd’hui dérouler un tapis rouge vers une digitalisation inédite du secteur. Mais comment concilier une proposition qui vise à satisfaire à la fois les développeurs, les courtiers, et des consommateurs historiquement méfiants ? Les débuts furent laborieux : les promoteurs doutaient de l’intérêt de la plateforme et les courtiers y voyaient une menace directe à leur business. Il a fallu innover, notamment avec le paiement immédiat des commissions – un geste qui, perçu d’abord comme anodin, s’avérera décisif pour l’écosystème.
En investissant la technologie sur tous les maillons de la chaîne, Nawy tente de bousculer la hiérarchie du marché immobilier égyptien.
Nawy ne s’est pas contentée de répertorier des annonces : la start-up propose aujourd’hui du courtage, du financement, de la gestion locative et l’accès à la copropriété fractionnée, via “Nawy Shares” qui permet d’investir dès 500 dollars. Est-ce le signal d’une ouverture démocratique de l’immobilier à une classe moyenne longtemps exclue par les prix ? Que penser aussi de “Move Now Pay Later”, une offre de crédit immobilier déguisé – une première sur ce marché où l’accès au prêt bancaire reste marginal ? Ce virage vers le “one-stop-shop” a-t-il convaincu les 3 000 agences partenaires et les cent-cinquante principaux développeurs du pays ?
Face à la volatilité économique endémique et à la dégringolade de la livre, Nawy se targue d’avoir multiplié ses revenus par cinquante en quatre ans, atteignant plus de 1,4 milliard de dollars de GMV en 2024. Mais peut-on vraiment affirmer que la plateforme est un rempart contre les contraintes systémiques qui frappent tous les secteurs du pays ? Ou la croissance fulgurante, portée aussi par les investissements des expatriés, dissimule-t-elle des fragilités structurelles ?
Avec sa dernière levée de fonds et l’arrivée sur des marchés plus concurrentiels comme le Maroc, l’Arabie Saoudite ou les Émirats arabes unis, Nawy joue-t-elle un nouveau va-tout ? L’intégration de l’intelligence artificielle et l’acquisition de startups comme ROA, rebaptisée “Nawy Unlocked”, marquent-ils seulement un effet d’annonce, ou annoncent-ils véritablement un changement de paradigme pour l’immobilier nord-africain ?
À mesure que des investisseurs internationaux se pressent autour du champion égyptien, vantant son “exécution exceptionnelle” et sa capacité à structurer le marché, une question subsiste : la tech peut-elle réellement déverrouiller un marché immobilier figé depuis des décennies, ou assiste-t-on simplement à un formidable coup de projecteur dans un secteur toujours régi par d’autres dynamiques ?
Finalement, la ruée vers la digitalisation du secteur immobilier en Afrique du Nord est-elle un eldorado pour les start-ups ou un simple mirage technologique ?
Source : Techcrunch




