Dans le bal technologique de ce week-end, on assiste à une curieuse valse où la confiance vacille, l’éthique s’effrite, et la disruption s’auto-congratule. Le wearable qui promettait une alliance sacrée (Whoop), la plateforme musicale qui clarifie sans vraiment clarifier (SoundCloud), les mastodontes de l’IA qui planifient leur divorce mondain sous couvert d’intérêt général (Microsoft et OpenAI), les robots d’Amazon qui progressent “main dans la pince”, et même la Grèce qui rêve d’être la Silicon Valley de la Méditerranée : tous semblent partager le même mantra. Un simple leitmotiv : « Faites-nous confiance, tout va changer… mais ce sera forcément dans notre intérêt ! »
Jetez un œil à Whoop, dont la dernière fantaisie commerciale aurait pu être co-écrite par George Orwell : une promesse de renouvellement matériel transformée en TVA sur la fidélité, tempérée en urgence suite au tollé Reddit. Pendant ce temps, SoundCloud affine ses CGU, offrant généreusement aux artistes la possibilité de signaler, façon badge, à quel point ils ne veulent pas que leur dernière création serve de bouillie de données à une IA boulimique. La “transparence” devient donc une question de cases à cocher – pas de fond.
Plus haut dans la chaîne alimentaire, Microsoft et OpenAI entament la danse du “partenariat-requin” dans un monde où chaque alliance n’est que la préface d’une future compétition acharnée. Les questions sur la redistribution des rôles et des profits dans la grande odyssée de l’IA ne sont pas sans effet domino : la robotisation modèle Amazon pousse ses ouvriers à apprendre le langage binaire, tandis que certains investisseurs, échaudés par le souvenir brûlant de Theranos, observent d’un œil suspicieux le marketing vitaminé d’une nouvelle startup sanguine. Partout la même mélodie : l’innovation se finance à coups de storytelling, la sécurité s’achète… si tant est qu’on puisse se la permettre.
Quand la révolution technologique devient routine, la confiance des utilisateurs semble l’unique variable d’ajustement.
Pourtant, la vraie surprise ne vient ni de Seattle ni de la vallée californienne, mais des marges longtemps ignorées de l’économie tech. Graphique inattendu : la Grèce parie sur l’innovation pour se refaire une identité post-crise, et l’Égypte, grâce à des plateformes comme Nawy, réinvente l’immobilier avec la même obsession méthodique que les big pharma abordent les tests sanguins. Ici, pas de “big bang” : la disruption avance au gré de la méfiance populaire, des promesses de transparence et de l’apprentissage conscient des (vieux) échecs de la Silicon Valley.
Tout se passe comme si, à force de pivoter, s’excuser, relancer sans mémoire, la technologie mondialisée oscillait entre syndrome de l’imposteur et storytelling d’optimisme obligatoire. Elle n’hésite pas à forcer le consentement, à marchandiser le doute, et à recycler l’échec comme narrative de résilience. Reste à voir si, dans cette bulle toujours sur le point d’éclater, la future ligne de partage ne se situera pas entre ceux qui croient encore (malgré tout) aux promesses de la tech — et ceux (concepteurs ou utilisateurs) qui, dans l’ombre, la regardent désormais avec un scepticisme calculé.