Le secteur de l’intelligence artificielle ressemble-t-il aujourd’hui à une bulle prête à exploser, ou bien sommes-nous à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle ? Depuis début 2024, la multiplication de tours de table à neuf chiffres aux États-Unis intrigue autant qu’elle fascine. Comment expliquer que tant de startups américaines de l’IA soient parvenues à lever, parfois en quelques mois à peine, des sommes dépassant les cent millions de dollars ? Et surtout, qui sont celles qui tirent leur épingle du jeu dans ce marché en ébullition ?
L’argent coule-t-il à flots sans discernement dans l’IA, ou bien les investisseurs font-ils preuve d’un certain discernement ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2024, pas moins de 49 startups américaines du secteur ont levé plus de 100 millions de dollars chacune, et certaines, telles OpenAI ou Anthropic, ont même dépassé le milliard. La cadence s’accélère en 2025 : au premier trimestre, le nombre de « mega-rounds » dépasse déjà celui de l’année précédente. Faut-il y voir une confiance sans faille ou le symptôme inquiétant d’une surchauffe ?
Les acteurs en vogue sont-ils des visionnaires ou de simples opportunistes surfant sur une mode passagère ? Parmi les startups récentes, on retrouve Glean, spécialisée dans la recherche en entreprise, qui atteint désormais une valorisation de 7,25 milliards de dollars après un tour de table de 150 millions. Anysphere, qui développe un outil de développement pour codeurs basé sur l’IA, s’envole à près de 10 milliards de valorisation. Et la liste continue : plateformes de labellisation de données (Snorkel AI), infrastructure (TensorWave, Lambda), santé (Abridge, Hippocratic AI), vidéo (Runway), ou encore « superintelligence » scientifique (Lila Sciences). À chaque besoin émergent, sa startup IA sur-financée. Mais ces solutions répondent-elles vraiment à une demande pérenne ?
Face à un flux colossal de capitaux, l’intelligence artificielle américaine s’impose, mais l’écosystème peut-il maintenir ce rythme effréné sans se consumer ?
Le profil des investisseurs en dit long sur l’appétit autour de l’IA. Les poids lourds du capital-risque — Andreessen Horowitz, Sequoia, Kleiner Perkins, Lightspeed — jouent des coudes pour être dans le premier wagon. Même les industriels (Nvidia, AMD, Google) et des figures mythiques comme Ray Dalio ou Microsoft sont de la partie. La ruée vers l’or de l’IA gagne tous les continents, mais c’est aux États-Unis que la concentration de méga-investissements atteint un niveau presque jamais vu depuis la bulle internet. Faut-il craindre le réveil douloureux qui, dans l’histoire de la tech, a souvent succédé à de pareilles envolées ?
Mais derrière les levées de fonds spectaculaires et les promesses de transformation — médecine personnalisée, autonomie de la justice, démocratisation du codage, gains de productivité exponentiels —, combien de ces startups survivront à l’assèchement inévitable des capitaux ? Quelle part de ces milliards alimente des projets réellement innovants et robustes, et combien financeront des technologies qui peinent à trouver leur marché, ou des business models encore balbutiants ?
Dans le tumulte, il est parfois difficile de distinguer la percée scientifique véritable du simple « vaporware ». Les fondateurs osent tout, promettant la disruption dans chaque secteur, mais l’avenir de l’IA américaine dépendra-t-il uniquement de la facilité à lever des fonds ?
Alors que la vague des méga-investissements dans l’intelligence artificielle ne montre aucun signe de ralentissement, une question cruciale demeure : après cette euphorie, l’industrie de l’IA saura-t-elle démontrer son impact concret, ou la confiance des investisseurs n’est-elle qu’un mirage éphémère ?
Source : Techcrunch
