Le conseil d’administration de Tesla cherche-t-il réellement à récompenser l’ambition ou à réécrire l’histoire des promesses d’Elon Musk ? Voici la question qui plane au-dessus du nouveau plan de rémunération proposé pour le PDG visionnaire, d’un montant faramineux de 1 000 milliards de dollars. L’entreprise avance des objectifs apparemment titanesques, mais un examen attentif révèle qu’il s’agit souvent de versions édulcorées des engagements répétés de Musk pour Tesla… alors, assiste-t-on à un vrai défi ou à une opération de communication?
Le rapport annuel du groupe, publié par la SEC, détaille une feuille de route ambitieuse qui devrait, selon ses auteurs, hisser Tesla au sommet des entreprises les plus rentables de l’histoire. Mais de quels défis s’agit-il vraiment ? Faut-il être impressionné ou sceptique devant ces chiffres qui font tourner la tête ? À chaque étape, les objectifs s’avèrent moins exigeants que ceux qu’Elon Musk lui-même affichait publiquement ces dernières années. L’entreprise ose-t-elle jouer sur la crédulité de ses actionnaires… ou parie-t-elle sur l’amnésie médiatique vis-à-vis de ses anciennes annonces ?
Le premier jalon, par exemple : livrer 20 millions de véhicules électriques. Or, Elon Musk avait déjà promis 20 millions de véhicules… chaque année, à l’horizon 2030 ! Le nouveau plan se contente du même chiffre, mais en cumulé d’ici 2035. Tesla a d’ores et déjà franchi la barre des 8 millions de véhicules, et s’approche des 2 millions vendus annuellement. Les ambitions tarifées de Musk se sont-elles discrètement repliées ? D’autant que les objectifs précédents ont été retirés des rapports internes alors que la dynamique commerciale ralentit. Pourquoi la barre a-t-elle été abaissée aussi drastiquement ?
Quand les promesses s’envolent, les objectifs officiels s’assouplissent: jusqu’où la base d’investisseurs suivra-t-elle ce jeu d’illusions ?
Le second objectif met en scène le rêve, aujourd’hui bien écorné, du million de robotaxis en circulation. Rappelons qu’en 2019, Elon Musk prophétisait qu’un million de taxis autonomes Tesla — sans volant ni conducteur — circuleraient dès 2020. Cinq ans plus tard, la « révolution » se limite à une poignée de véhicules testés à Austin, tous avec des opérateurs humains à bord. Pourtant, le nouveau plan de rémunération ressuscite le fantasme des 1 million de robotaxis, cette fois sur une période beaucoup plus élastique, et en élargissant la définition à tout Tesla équipé du logiciel FSD… même si Musk lui-même admet que de nombreux modèles existants n’ont pas le matériel nécessaire ! Est-ce une façon d’offrir un boulevard à des objectifs irréalistes, ou simplement de diluer la promesse initiale ?
Quant au troisième pilier du plan, il fait la part belle au robot humanoïde Optimus, censé incarner l’avenir industriel de Tesla. Musk ne manque jamais une occasion d’annoncer que ce projet générera à lui seul 80% des revenus de Tesla à moyen terme, et il évoque la fabrication de 1 million de robots… par an, à partir de 2029. Surprise : le conseil d’administration ne réclame qu’un total d’un million de robots vendus ou produits jusqu’en 2035. La nuance est de taille ! D’autant plus que la stratégie de commercialisation d’Optimus reste, d’après les documents internes, « en développement ». S’agit-il d’une profonde prise de conscience sur la difficulté technique du projet ou d’une manière de se couvrir face à l’incertitude ?
Enfin, l’objectif peut-être le plus insaisissable consiste à atteindre 10 millions d’abonnements au logiciel Full Self-Driving (FSD), alors que seuls quelques centaines de milliers de clients auraient, selon les dirigeants eux-mêmes, acheté ce service aujourd’hui. Entre ambitions stratosphériques et réalité du marché, le fossé se creuse-t-il dangereusement ? D’autant que ce plan s’accompagne d’un objectif colossal : porter la valorisation de Tesla à 8.500 milliards de dollars – un chiffre jamais atteint par aucune entreprise – et augmenter les gains annuels jusqu’à 400 milliards, loin des 17 milliards actuels. Ces cibles relèvent-elles d’un pari visionnaire ou d’une multiplication des effets d’annonce ?
Le plan de rémunération recèle aussi des clauses plus insolites, exigeant d’Elon Musk une implication continue et un engagement à modérer son agitation politique. Serait-ce un aveu de la puissance, mais aussi de l’imprévisibilité, du dirigeant-star ? Si, en 2018, certains objectifs semblaient déjà inatteignables avant d’être finalement réalisés, on ne peut s’empêcher de s’interroger : Tesla sortira-t-il grandi de ce nouvel alignement entre promesses révisées et réalités du terrain, ou la magie finira-t-elle par s’évaporer ?
Dans un contexte où la galaxie Musk semble sans cesse osciller entre l’audace et le marketing, la vraie question demeure : jusqu’à quand les actionnaires accepteront-ils d’acheter ces rêves réchauffés ?
Source : Techcrunch




