Combien de publicités frauduleuses arrivent réellement à passer entre les mailles du filet chez Google ? Malgré l’impressionnante batterie d’outils technologiques et humains déployés par le géant de la recherche, la fraude publicitaire continue de croître à une vitesse stupéfiante. Qu’est-ce qui se cache derrière la multiplication par trois des suspensions de comptes publicitaires en un an ?
En 2024, Google affirme avoir suspendu 39,2 millions de comptes annonceurs, un chiffre qui donne le tournis et laisse présager une véritable offensive contre les arnaques. Mais comment expliquer que ces chiffres soient en si forte hausse par rapport à 2023 ? Est-ce vraiment le signe d’une bonne traque… ou l’indicateur troublant que la fraude s’intensifie, s’adaptant aux nouveaux filtres mis en place ? L’entreprise s’appuie sur des modèles d’intelligence artificielle de plus en plus performants, capables d’identifier des signaux subtils comme l’usurpation d’identité commerciale et l’utilisation de paiements frauduleux dès l’amont. Suffit-il de s’en remettre à la machine pour garantir la sécurité des utilisateurs ?
Alex Rodriguez, responsable de la sécurité publicitaire chez Google, insiste sur le maintien d’équipes humaines dans la boucle, mêlant experts de la sécurité, division Trust and Safety et chercheurs DeepMind. Ensemble, ils entreprennent une chasse sans merci aux deepfakes et usurpations de personnalités publiques, responsables d’une explosion de publicités mensongères. Selon Google, plus de 700 000 comptes à l’origine de deepfakes auraient été suspendus et le nombre de signalements aurait chuté de 90 %. Faut-il se réjouir de ces résultats ou s’interroger sur la capacité des fraudeurs à ressurgir sous de nouvelles formes ?
La lutte contre la fraude publicitaire sur Google a pris une nouvelle dimension, mais la guerre contre l’innovation des escrocs est-elle vraiment gagnable ?
Derrière ces chiffres, chaque région du monde semble touchée. Aux États-Unis, 39,2 millions de comptes suspendus, 1,8 milliard de publicités retirées. En Inde, 2,9 millions de comptes blacklistés et près de 250 millions de pubs supprimées. Les enjeux sont mondiaux : abus de réseau publicitaire, contrefaçon de marque, fausses promesses médicales, paris illégaux… Google a-t-il les moyens de contrôler l’intégralité de ce flot continu ?
Environ 5 millions de comptes l’ont été spécifiquement pour escroquerie, et près d’un demi-milliard de pubs réputées frauduleuses ont été écartées. Les élections, moment particulièrement sensible, ont aussi été scrutées à la loupe : 8 900 annonceurs liés à des campagnes électorales ont été vérifiés et plus de 10 millions de pubs politiques supprimées. La surveillance est réelle, mais la désinformation peut-elle vraiment être étouffée à la racine sur une telle plateforme ?
En comparaison avec 2023, Google note une légère baisse des chiffres globaux de pubs et de pages bloquées, ce qu’il impute à un meilleur système de prévention et de détection précoce. Mais cette tendance est-elle durable ou simplement cyclique, au gré des évolutions des techniques de fraude ?
Pour certains, la multiplication des suspensions pose un autre problème : l’impartialité et la transparence de Google dans ses décisions. Que se passe-t-il lorsqu’un compte innocent est suspendu ? L’entreprise assure offrir un processus d’appel et une implication humaine pour éviter les injustices, tout en travaillant à améliorer ses politiques et ses communications. Cela suffira-t-il à rassurer les annonceurs légitimes ?
Finalement, malgré des progrès indéniables en matière de sécurité publicitaire, la capacité de Google à endiguer complètement la fraude reste une question ouverte. Après tout, l’histoire d’internet n’a-t-elle pas toujours été celle d’une course sans fin entre innovation technique et ruse criminelle ?
Source : Techcrunch