Pourquoi Amazon a-t-il choisi de lancer sa grande vente de livres exactement au même moment que la Journée des librairies indépendantes ? Une coïncidence, ou une stratégie calculée pour concurrencer un événement crucial pour les petites librairies ?
En programmant sa promotion annuelle du 23 au 28 avril 2025, le géant du e-commerce entre en collision directe avec la Journée des librairies indépendantes, prévue le 26 avril. Cet événement, orchestré par l’American Booksellers Association (ABA), fédère chaque année plus de 1 600 établissements, acteurs essentiels de la diversité culturelle. Pourquoi Amazon, qui détient déjà la majorité du marché du livre aux États-Unis, choisit-il cette même période pour séduire les lecteurs ?
Pour Maris Kreizman, chroniqueuse littéraire, l’appel est clair : soutenir les librairies indépendantes, ces lieux de découverte bien souvent menacés. En 2024, les chiffres de l’ABA montraient un regain d’optimisme : nombre d’adhérents en hausse, finances solides. Pourtant, l’ombre d’Amazon continue de planer : selon la Chambre des représentants, le mastodonte contrôlerait plus de 50 % du marché total des livres papiers et en ligne, et encore plus pour les ebooks. Comment les librairies locales peuvent-elles rivaliser avec une telle puissance de frappe ?
Amazon est-il prêt à sacrifier la vitalité du tissu indépendant sur l’autel de ses ambitions commerciales ?
Mais la controverse ne s’arrête pas là. Bookshop.org, plateforme solidaire des librairies indépendantes, dénonce une « manœuvre calculée » de la part d’Amazon, qualifiant l’initiative comme celle d’« une entreprise ayant déjà provoqué la fermeture de la moitié des librairies du pays et dominant 60 % du marché ». Faut-il y voir le signe d’une guerre ouverte contre les petites enseignes, ou l’indifférence froide d’un géant trop puissant pour se soucier des dommages collatéraux ?
Dès lors, la question de l’intention devient centrale. Amazon parle d’une « coïncidence malheureuse », invoquant la nécessité de coordonner la vente à l’international et qualifiant la faute de non-intentionnelle. Mais peut-on vraiment croire qu’une telle organisation, à la vision globale, puisse ignorer un événement national de cette ampleur ? Allison Hill, présidente de l’ABA, ne mâche pas ses mots : « Au mieux c’est insensible, au pire c’est une tactique délibérée pour nuire aux petites entreprises. »
Finalement, cette confrontation met en lumière un dilemme : soutenir le commerce local, vecteur de rencontres humaines et de diversité, ou céder à la facilité d’un géant omniprésent. Si les chiffres semblent donner raison à l’optimisme des librairies indépendantes, la menace de l’hégémonie d’Amazon plane toujours. Quelle sera la prochaine riposte des libraires, et le public fera-t-il le choix de s’engager pour préserver ces espaces uniques ?
Alors, cette « coïncidence » est-elle le fruit du hasard ou le symptôme d’un mouvement plus large de concentration du marché du livre ?
Source : Techcrunch