Le soutien aux entrepreneurs européens en phase ultra-précoce est-il en train de devenir la nouvelle ruée vers l’or du capital-risque ? Ces derniers mois, une série d’initiatives a vu le jour. Mais face à la multiplication des programmes, comment distinguer le simple effet de mode des réelles opportunités pour les jeunes pousses ambitieuses ?
Tout a commencé discrètement avec « Project Europe », un fonds lancé par Harry Stebbings, bien décidé à financer les fondateurs de moins de 25 ans sur le modèle du fameux Peter Thiel Fellowship. Mais aujourd’hui, un nouvel acteur entre dans l’arène avec des moyens bien plus ambitieux : EWOR, un fonds qui promet non seulement plus d’argent — 60 millions d’euros engagés — mais aussi un accompagnement calibré pour créer de futurs titans de la tech. S’agit-il d’une nouvelle révolution ou d’une bataille d’egos entre investisseurs ?
EWOR a mis en place un programme de « founder fellowship » offrant à une trentaine d’élus chaque année un financement de 500 000 €, soit plus du double de celui proposé par le concurrent Project Europe — contre une part de 7% au capital. Est-ce un jackpot pour ces entrepreneurs ou une prise de contrôle déguisée des talents européens ? Les bénéficiaires sont choisis pour leur profil de « visionnaires », « prodiges techniques » ou opérateurs « déjà aguerris ». Mais qui se cache vraiment derrière ces critères ?
L’émergence de fonds comme EWOR redéfinit-elle la notion de risque et d’innovation dans l’écosystème tech européen ?
Ce qui distingue EWOR, selon ses fondateurs et notamment Daniel Dippold, c’est le support virtuel intense : mentorat individuel par des fondateurs de licornes, accès à un réseau de plus de 2 000 experts et investisseurs, et une technologie pointue pour recruter les meilleurs talents techniques grâce à une base de données intelligente. Devons-nous voir dans cela l’amorce d’une nouvelle façon de structurer l’écosystème startup, ou une manière sophistiquée de filtrer les profils selon des algorithmes peu transparents ?
Mais à qui profite vraiment cette manne financière ? Sur le papier, les alumni du programme auraient levé entre 1 et 11 millions d’euros par la suite, et de jeunes entreprises comme Aspect Health (partie de Moldavie et valorisée dans la Silicon Valley) en seraient la preuve… Pourtant, est-ce le financement qui fait la réussite, ou la puissance des réseaux mis à disposition ? Les fondateurs du programme, issus de SumUp, Adjust ou ProGlove, affirment vouloir « industrialiser » la réussite grâce à une méthode inspirée du Lean Startup. S’agit-il là de la recette miracle tant attendue ?
Parmi la nouvelle cohorte, on trouve des initiatives remarquées : impression 3D pour greffes d’organes, génération automatisée de leads, ou encore success stories ayant abouti à des rachats à neuf chiffres. Mais combien de ces talents auraient percé sans le soutien d’EWOR — et combien resteront sur la touche malgré leur potentiel ?
À mesure que les millions se distribuent et que les startuppeurs défilent, une question demeure : avec tant de fonds se penchant sur la crème des innovateurs européens, assiste-t-on à la naissance d’un “Silicon Valley continental” ou seulement à une bulle alimentée par le marketing et la surenchère ?
Source : Techcrunch