Peut-on vraiment révolutionner le marché des lunettes de vue à l’heure où la réalité augmentée et les technologies connectées semblent rater leur promesse de transformation de notre quotidien ? C’est le pari que tente IXI, une jeune pousse finlandaise, qui affirme pouvoir faire de simples lunettes une prouesse technologique invisible.
Pourquoi IXI, après seulement quatre ans d’existence et forte de 36,5 millions de dollars levés auprès d’investisseurs aussi prestigieux que le Amazon Alexa Fund, attire-t-elle autant l’attention ? Qui sont ces entrepreneurs, menés par Niko Eiden, dont le parcours les a menés de Nokia à la réalité mixte de Varjo avant de retourner à un objet aussi basique – et universel – que les lunettes correctrices ?
Ce qui interpelle d’emblée, c’est le positionnement : alors que le marché global des lunettes pèserait aujourd’hui plus de 200 milliards de dollars – et croîtrait plus vite que celui des montres connectées ou des smartphones –, la plupart des tentatives d’intégrer la technologie aux lunettes s’appuyaient sur la réalité augmentée, décevante de par l’usage ou la complexité des dispositifs. Pourquoi personne, jusqu’ici, n’a-t-il sérieusement tenté de réinventer la correction de la vue, pourtant l’essence même des lunettes médicales ?
IXI souhaite rendre la correction de la vision automatique, discrète et accessible, loin des gadgets encombrants des lunettes connectées actuelles.
En quoi consiste donc la promesse d’IXI ? La startup reste discrète sur les détails, mais d’après nos informations, il s’agirait d’un dispositif ultra-miniaturisé, dissimulé dans la monture, combinant suivi du mouvement oculaire et lentilles à cristaux liquides qui s’adaptent en temps réel à votre regard et à votre besoin de correction – de près comme de loin. Fini le besoin d’alterner entre différentes paires, ou de composer avec des verres progressifs parfois inconfortables ? C’est ce que la technologie annoncée laisse espérer, même si la batterie embarquée ne garantirait, pour l’instant, qu’une autonomie de deux jours.
Le pari reste risqué : plusieurs startups, comme Elcyo au Japon ou Laclaree en France, travaillent sur des lunettes à autofocus, mais aucune n’a encore lancé de produit viable. Même Vixion, seul acteur actuellement sur le marché, propose un dispositif beaucoup moins élégant, avec des caméras visibles. Est-ce le pedigree technologique et industriel de l’équipe d’IXI qui leur permettra de dépasser ces obstacles techniques et réglementaires ?
L’engouement des investisseurs, d’Amazon à Plural, s’expliquerait-il par la perspective d’un marché gigantesque, mais aussi par l’espoir de voir la technologie européenne enfin briller dans un secteur dominé par les géants américains et asiatiques ? Comment expliquer que l’échec de la VR grand public n’ait pas refroidi l’enthousiasme pour cette vision corrective automatisée ?
Alors qu’Amazon est soupçonné de développer ses propres lunettes pour ses livreurs, et que la frontière entre lunetterie, santé et technologies connectées s’efface, peut-on imaginer une production industrielle de lunettes à correction automatique, accessible au grand public ? IXI affirme que son prototype sera visible d’ici la fin de l’année, mais aucune date de commercialisation n’a encore filtré. L’entreprise saura-t-elle transformer ses brevets et ses promesses en une vraie révolution optique ?
Et au final, la question demeure : sommes-nous vraiment prêts à laisser la technologie s’inviter, de façon invisible mais déterminante, dans notre façon de voir le monde ?
Source : Techcrunch