Comment une fintech africaine peut-elle disrupter le secteur du crédit sans s’endetter lourdement, alors que la plupart de ses concurrents carburent à l’argent emprunté ? MoneyFellows, une startup égyptienne, aurait-elle trouvé la martingale en digitalisant l’une des plus vieilles formes d’épargne informelle, les célèbres tontines ?
Après avoir levé 13 millions de dollars auprès de fonds casablancais (Al Mada Ventures) et du Nclude Fund, MoneyFellows parvient à prouver sa rentabilité et ses ambitions expansionnistes. Mais cette réussite est-elle si évidente, ou cache-t-elle un modèle truffé de fragilités ? Le CEO, Ahmed Wadi, affiche une confiance à toute épreuve et revendique des milliards de livres égyptiennes prêtées avec un risque minimal pour l’entreprise.
En quoi leur approche se distingue-t-elle des autres fintechs africaines ou des banques traditionnelles ? MoneyFellows digitalise les cercles ROSCA, ou “gam’eya” en Égypte, ces systèmes où les participants versent périodiquement dans un pot commun qui est redistribué à un membre différent à chaque cycle. Mais jusqu’où cette digitalisation suffit-elle à fidéliser et à sécuriser les usagers, là où d’autres initiatives similaires ont échoué à l’international ?
Malgré sa croissance rapide et sa rentabilité, MoneyFellows devra prouver que son modèle tient la route à l’international.
Contrairement aux acteurs du “Buy Now, Pay Later” ou aux prêteurs numériques classiques qui portent tout le risque sur leur bilan, MoneyFellows ne couvre en moyenne que 7 à 8 % des places manquantes dans ses cercles. La prise de risque semble faible mais, à grande échelle, est-ce réellement tenable ? D’autant que, pour accélérer son extension, la startup négocie des lignes de crédit auprès de banques locales, ce qui pourrait à terme remettre en cause l’aspect “capital-light” de son modèle.
L’un des points forts de MoneyFellows réside dans sa viralité : chaque nouveau membre d’un cercle digitalisé entraîne souvent tout son ancien cercle informel. Cependant, la digitalisation d’une tradition culturelle aussi ancienne pose une question cruciale : comment conserver la confiance et l’intimité communautaire dans un écosystème purement applicatif ?
La startup, profitable depuis peu, affiche plus de 8,5 millions d’utilisateurs, avec un montant moyen versé qui a doublé en deux ans et demi. Forte de son succès sur le marché égyptien, MoneyFellows vise désormais le Maroc, terre promise des “darets” (tontines locales), mais aussi d’autres marchés africains ou sud-asiatiques à faible bancarisation. La firme planifie également une diversification vers l’investissement et d’autres produits financiers.
Pourtant, la conquête de nouveaux marchés numériques ne va-t-elle pas se heurter à des contextes culturels moins familiers, voire hostiles à la dissociation entre épargne informelle et banques digitales ? Plusieurs tentatives mondiales de digitalisation des ROSCA se sont soldées par des échecs faute d’adaptation aux comportements locaux, admet Ahmed Wadi lui-même.
MoneyFellows et ses investisseurs insistent sur le caractère transformateur de leur modèle pour des milliers de familles. Mais le passage à l’échelle et la confrontation à d’autres réalités économiques ou culturelles transformeront-ils cet essor local en succès panafricain, voire mondial ? Est-ce que la fintech égyptienne saura garder son équilibre entre tradition, confiance et ambition numérique à mesure qu’elle s’exporte ?
Source : Techcrunch