Pourquoi, malgré un climat politique jugé hostile à l’intelligence artificielle, l’Amérique du Nord continue-t-elle d’attirer la grande majorité des investissements mondiaux dans l’IA ? Alors que certains analystes prévoyaient une redistribution rapide du capital-risque vers l’Europe ou l’Asie suite aux politiques restrictives de Donald Trump, la réalité est toute autre. Mais qu’explique cet apparent paradoxe ?
Les chiffres sont sans appel : entre février et mai de cette année, près de 70 milliards de dollars ont afflué vers les startups IA nord-américaines, contre 6,4 milliards pour l’Europe et seulement 3 milliards pour l’Asie, selon les données de PitchBook. Comment la Silicon Valley réussit-elle à préserver son leadership alors même que les États-Unis coupent dans les subventions à la recherche et ferment la porte aux étudiants internationaux spécialisés en IA ?
Le contexte politique américain semble peu propice au développement scientifique : coupes budgétaires massives sur les subventions, menaces sur les laboratoires universitaires et une politique migratoire de plus en plus dissuasive pour les talents étrangers. Est-ce que cela devrait logiquement affaiblir la position américaine au profit de l’Europe, qui affiche de grandes ambitions et mobilise des centaines de milliards d’euros pour stimuler son secteur IA ?
Alors que tout semble prêt pour un basculement, pourquoi la révolution tarde-t-elle à avoir lieu ?
Pourtant, la fuite du capital n’a toujours pas eu lieu. L’Europe, malgré des champions comme Mistral AI ou Aleph Alpha, n’a pas vu débarquer une vague de fonds américains ou asiatiques. Quant à l’Asie, même la Chine, malgré l’émergence de géants comme DeepSeek ou Butterfly Effect, reste à la traîne en raison — entre autres — de restrictions à l’accès aux puces IA les plus avancées.
Il faut croire que les investisseurs préfèrent encore parier sur l’écosystème nord-américain, malgré les vents contraires. Sur l’ensemble de l’année 2024, près de 76% du financement mondial en IA est allé vers des startups nord-américaines, une part qui grimpe à 86% sur le début de 2025. Pourquoi une telle fidélité, alors même que les promesses européennes abondent et que l’Asie multiplie les initiatives ?
Le contraste est frappant. Geoffrey Hinton, figure pionnière de l’IA, n’hésite pas à critiquer ouvertement l’influence d’Elon Musk et l’impact négatif des politiques trumpistes sur la science. Pourtant, l’espoir d’une délocalisation des cerveaux et des capitaux ne se matérialise pas. Est-ce le réseau, l’infrastructure, la force d’attraction des historiques GAFAM, ou simplement la croyance qu’« America is still the place to be » ?
Une chose est sûre : le rêve d’un rééquilibrage mondial des investissements dans l’IA, souvent annoncé comme imminent, devra encore patienter. Mais jusqu’à quand l’écosystème américain pourra-t-il résister à une telle pression politique sans craquer ?
Source : Techcrunch