Comment une simple application peut-elle transformer radicalement notre manière d’investir en Bourse, voire rendre cette pratique accessible à ceux qui n’y auraient jamais songé ? Grifin, start-up américaine fondée en 2017, vient justement de faire parler d’elle en levant pas moins de 11 millions de dollars lors d’un tour de table Série A. Mais derrière cette annonce, quelles sont les vraies ambitions de cette fintech, et pourquoi attire-t-elle autant d’investisseurs et de nouveaux utilisateurs ?
Avec plus de 500 000 utilisateurs inscrits, un million de téléchargements et 100 000 actifs mensuellement sur son application, Grifin n’est plus une simple curiosité sur la scène tech. Son concept est-il à l’origine de cette explosion de popularité ? L’idée est pourtant simple : investir automatiquement dans les marques où l’on effectue ses achats. Ainsi, chaque passage en caisse chez Walmart, par exemple, entraîne un investissement automatique dans l’action Walmart. Est-ce la clé pour séduire une population majoritairement frileuse face à la Bourse, alors que, selon Gallup, seuls 62 % des Américains détiennent des actions ?
La société n’a pas révélé sa valorisation, mais affirme que ces fonds serviront à étoffer ses équipes tech et design, tout en développant de nouvelles fonctionnalités. Devrait-on s’attendre à une transformation profonde de l’expérience utilisateur ? Parmi les nouveautés, un chatbot IA est annoncé, ainsi que des offres familiales pour initier les plus jeunes à l’investissement. Mais l’intelligence artificielle peut-elle vraiment simplifier la pédagogie financière et répondre avec fiabilité aux questions des utilisateurs ?
Grifin mise sur la simplicité et la personnalisation pour démocratiser l’investissement, tout en pariant sur l’innovation technologique.
En adoptant un modèle « d’investissement adaptatif », où chaque dépense génère automatiquement un micro-investissement de 1 dollar dans la marque correspondante — ajustable selon les préférences —, Grifin se targue de résultats étonnants. Selon ses propres statistiques, les utilisateurs augmentent leurs dépenses de 234 % chez une marque, six mois après avoir acquis des actions de celle-ci. Mais cela traduit-il un engagement de long terme ou un simple effet de mode ? Jusqu’où ce modèle peut-il aller sans inciter à la surconsommation ?
L’application ne se limite pas seulement à l’automatisation : elle propose aussi un volet éducatif, relayé quotidiennement via des contenus pour renforcer la culture financière de ses membres. Avec un chatbot IA prévu pour offrir des résumés d’articles, des réponses personnalisées et des analyses du portefeuille de chaque utilisateur, la start-up entend lever les freins à l’investissement… Mais ce robot sera-t-il jamais aussi pertinent que promis ? Le lancement reste pour l’instant conditionné à la fiabilité de ses réponses, selon Aaron Froug, le CEO.
Cette volonté de pédagogie répond aussi à une problématique bien réelle. De nombreux utilisateurs de Grifin seraient des femmes de 40 à 60 ans, une frange de la population parfois moins informée sur les mécanismes de la Bourse. L’appli prévoit d’ailleurs d’intégrer des outils de gestion budgétaire pour les aider à mieux cerner leurs dépenses et investissements. Les fameux « family plans » figurent parmi les demandes les plus pressantes : permettront-ils vraiment d’initier une nouvelle génération d’investisseurs en douceur ?
La dimension communautaire prend ici tout son sens : Grifin envisage que parents et grands-parents puissent approvisionner les comptes de leurs enfants ou petits-enfants, évitant ainsi que la pression financière ne soit un frein à l’apprentissage. Est-ce une manière efficace de transmettre la culture de l’investissement au sein des familles ? Les investisseurs institutionnels, dont Nava Ventures et Alloy Labs, misent en tout cas sur cette vision. Mais le marché américain, volatil par nature, rend-il ce pari durable ?
À mesure que Grifin développe ses offres et étend sa clientèle, une question essentielle persiste : ce modèle disruptif suffira-t-il à réduire véritablement la barrière psychologique à l’investissement boursier, ou n’est-il qu’un mirage technologique de plus ?
Source : Techcrunch