Google est-il en train de redéfinir l’accès à l’information, ou de couper les ailes à toute une industrie ? Depuis quelques semaines, l’entreprise américaine déploie dans son application mobile Discover une fonction de résumés d’actualités générés par intelligence artificielle. Mais derrière cette innovation, que cache cette réorganisation du paysage médiatique ? Qui profite réellement de cette nouvelle présentation ?
Un simple coup d’œil à l’application suffit à mesurer le bouleversement : à la place des traditionnels titres et extraits d’articles, ce sont désormais les logos de plusieurs éditeurs accompagnés d’un condensé rédigé par l’IA qui apparaissent en tête de fil. Cette synthèse attribue ses sources, mais la mention « peut comporter des erreurs » s’affiche en avertissement. Comment ce changement, déjà en cours de déploiement aux États-Unis, va-t-il influencer nos choix de lecture et, surtout, la visibilité des médias ? Doit-on faire confiance à ces résumés ou la prudence s’impose-t-elle ?
Google assure qu’il ne s’agit pas d’une simple expérimentation, mais bien d’un lancement officiel sur mobile iOS et Android pour couvrir en priorité les sujets tendances autour du sport et du divertissement. L’objectif affiché ? Permettre aux utilisateurs de juger plus facilement quels articles méritent une visite approfondie. Pourtant, cette transformation de l’interface n’est pas le seul terrain de jeu pour l’IA : des listes à puces générées automatiquement ou des regroupements thématiques sont également testés sans mention explicite d’une intervention algorithmique.
Derrière la promesse de simplicité, une question persiste : l’IA peut-elle préserver la diversité et la santé économique de l’écosystème médiatique ?
Cette mutation n’est pas isolée : grandes rédactions et start-ups, de Bloomberg à Yahoo en passant par Particle, expérimentent elles aussi des outils de résumé automatique. Le lecteur gagne-t-il vraiment en compréhension ou glisse-t-il, paradoxalement, vers une uniformisation de l’information ? Peut-on croire que le progrès technique profitera autant aux petits médias qu’aux géants qui dominent déjà les audiences ?
Mais alors que nombreux sont ceux qui cherchent à tirer parti de l’intelligence artificielle, l’industrie médiatique s’inquiète. Depuis l’arrivée des nouvelles fonctionnalités de Google et la montée en puissance de ChatGPT ou Perplexity, les éditeurs constatent une chute brutale du trafic vers leurs sites : pourquoi cliquer quand la réponse s’affiche instantanément ? Face à la colère des médias, Google tente de rassurer avec l’introduction d’« Offerwall », permettant la monétisation via des micro-paiements ou des sondages, mais cela pourra-t-il compenser des audiences en fuite ?
Les chiffres sont sans appel : d’après Similarweb, le traffic mondial lié à la recherche en ligne a chuté de 15 % en une année seulement. En mai 2025, près de 7 recherches sur 10 n’ont donné lieu à aucun clic vers les sites des éditeurs. L’autre source majeure, Google Discover, résistait mieux jusque-là, mais l’arrivée massive de l’IA risque-t-elle d’achever ce canal ?
Face à cette révolution silencieuse, la question demeure : les médias parviendront-ils à survivre, ou l’intelligence artificielle va-t-elle précipiter la disparition du journalisme indépendant ? Si l’information devient un produit algorithmique dont le lecteur ne perçoit plus la provenance, qui contrôlera alors le récit du monde ?
Source : Techcrunch
