Jusqu’où les plateformes en ligne doivent-elles aller pour protéger les enfants face aux dangers du numérique ? La semaine dernière, la question s’est invitée au cœur de l’actualité suite au dépôt d’une plainte fracassante de l’État de Louisiane contre Roblox, l’un des mastodontes du jeu vidéo en ligne. Roblox, univers virtuel prisé des jeunes, est-il en train de devenir un terrain de chasse pour les cyberprédateurs ?
D’après Liz Murrill, la procureure générale de Louisiane, la plateforme n’a pas pris les mesures de base nécessaires pour garantir la sécurité de ses utilisateurs les plus vulnérables. Est-il possible que ce géant, qui revendique 82 millions d’utilisateurs quotidiens, ait sciemment fait passer ses profits et sa croissance avant l’intérêt des familles ? Quels mécanismes de contrôle des contenus et des interactions ont (ou n’ont pas) été effectivement déployés par Roblox, alors qu’un utilisateur sur cinq a moins de huit ans ?
La plainte détaille des situations inquiétantes : d’après les autorités, le manque de contrôle de Roblox facilite la diffusion de contenus à caractère sexuel explicite – avec des exemples concrets de jeux alarmants comme “Escape to Epstein Island” ou “Public Bathroom Simulator Vibe”. Adultes se faisant passer pour des enfants, modération insuffisante, accès détourné à des espaces destinés à des adolescents plus âgés… Comment ces dérives se sont-elles installées dans l’ombre d’un monde virtuel pourtant si fréquenté ?
Face à la puissance grandissante des plateformes, les autorités sont-elles impuissantes ou trop lentes à réagir face aux dangers qui guettent les enfants en ligne ?
De son côté, Roblox plaide la bonne foi. Son porte-parole vante une véritable armada de modérateurs humains et de technologies de surveillance, promettant que “la sécurité de la communauté reste une priorité absolue”. Faut-il y voir un écran de fumée ? Selon la plainte, les mesures récentes – comme l’interdiction de messagerie directe pour les enfants de moins de 13 ans, instaurée après une vague d’enquêtes et de scandales en 2023 – seraient bien trop tardives et insuffisantes au regard de l’ampleur des problèmes.
Pourquoi Roblox a-t-il attendu une pression médiatique soutenue pour réagir ? Des experts rappellent que chaque nouvelle fonctionnalité de sécurité intervient souvent “en réaction”, et rarement “par anticipation”. Le modèle économique de la plateforme, fondé sur la croissance exponentielle de sa base d’utilisateurs, serait-il incompatible avec un encadrement strict des usages et de la modération ?
Derrière l’affaire judiciaire, la Louisiane cherche surtout à obtenir un changement profond dans les pratiques du secteur : plus de transparence, l’interdiction de revendiquer de fausses protections, et une condamnation des failles commerciales contraires à la loi. Mais Roblox peut-il réellement “verrouiller” un univers aussi massif, fondé sur le contenu généré par ses propres joueurs ? Ou l’illusion de contrôle sera-t-elle toujours dépassée par la créativité – parfois malveillante – de certains utilisateurs ?
En fin de compte, cette action judiciaire pose une question que chaque parent, chaque législateur et chaque ingénieur de la tech doit se poser : dans cette nouvelle frontière numérique, qui doit fixer les règles du jeu pour protéger les plus jeunes ?
Source : Techcrunch




