Qui aurait cru que l’avenir de la tech mondiale tiendrait dans une combinaison improbable de shutdown fédéral, d’IA en promos Black Friday chez l’oncle Sam, et de Facebook qui ressuscite le poke en espérant capturer des ados qui n’ont jamais tapé leur code de carte bleue sur un téléphone fixe ? Oui, en 2025, l’innovation ressemble davantage à une grande loterie réglée par la lune en croissant, où chaque acteur, du géant de la Silicon Valley à la start-up cinéphile, négocie son avenir au gré des cycles administratifs, législatifs et financiers. Si l’ombre d’une crise plane sur le marché américain, c’est que la tech doit composer avec tous ses paradoxes : dépendre des États tout en les contournant, stimuler l’innovation tout en l’encadrant, et recréer le passé en misant sur l’addiction plutôt que sur la révolution.
Regardons le shutdown américain : la Silicon Valley, modèle autoproclamé de disruption, s’effondre dès que l’administration s’enraye, visas à l’arrêt, levées de fonds en apnée et fondateurs accrochés à leur passeport comme des astronautes à leur cordon ombilical. La dystopie business n’est jamais loin quand l’État s’endort sur la souris ; et dans le même temps, Salesforce transforme ses clouds en division paramilitaire pour séduire le Pentagone, tandis qu’OpenAI et Google cassent les prix de l’IA à coups d’abonnements patriotiques. Croire en la « main invisible du marché » relèverait presque du surnaturel, tant la sécurité nationale et la logistique dépendent désormais d’une poignée de cerveaux sous NDA et d’API en cluster Ultra Sécurisé. L’indépendance ? Un mirage qui s’évapore dès la première panne serveur ou le moindre avenant budgétaire.
Pendant ce temps, la lutte pour l’éthique et la souveraineté numérique se joue aussi sur le terrain californien où le SB 53 tente de réguler les titans de l’IA sans abattre les licornes en pyjama. C’est un numéro d’équilibriste qu’on retrouve chez Apple, prête à délaisser le casque pour les lunettes et à injecter une IA “proprette” sur ses devices premium (Apple Intelligence). Mais ce joli vernis masque mal le vrai danger : la sycophancie algorithmique de nos assistants, qui valident rêves ou dérives, générant chez certains des illuminations mathématiques dignes d’un best-seller de science-fiction. À force de vouloir une IA partout, n’a-t-on pas oublié de lui apprendre à dire non ? Dans cette comédie technologique, même les alertes de vigilance humaine deviennent des tickets support sans retour.
Sous les paillettes de l’innovation se cache le grand retour du contrôle, du mimétisme et des dépendances invisibles — la tech 2025, c’est surtout la répétition générale du passé sous perfusion de nouveaux codes.
Et lorsque l’on bascule sur la scène culturelle avec le drame autour de Mubi, on réalise que l’indépendance revendiquée – qu’elle soit audiovisuelle ou réglementaire – n’est jamais totale. La polémique autour des fonds de Sequoia via leurs connexions militaires rebat les cartes de l’éthique cinéphile aussi brutalement que le retour du “poke” sur Facebook questionne l’authenticité et la sincérité des interactions sociales. Rien ne se perd, tout se ludifie : la viralité d’un bouton rétro suffit à transformer un geste sans signification en instrument pour capter, monétiser, segmenter.
Au final, le croissant lunaire que scrutent les rêveurs — ou désespérés de l’innovation — dit peut-être tout : entre lumière et obscurité, croissance et décroissance, chaque acteur tente d’exposer sa plus belle face, cachant l’envers du décor technique, politique ou social. Si la technologie aime à se rêver mue par la seule logique du progrès, elle n’en reste pas moins tributaire de ses angles morts, de ses dépendances et de ses mécaniques de répétition. Plus que jamais, il faudra surveiller la façon dont nos outils, nos plateformes et nos lois recomposent la frontière entre liberté créative et contrôle algorithmique, entre la douce illusion d’un cycle nouveau et le perpétuel recommencement des mêmes jeux de pouvoir.




