Qu’est-ce qui pousse Slate Auto à défier le modèle Tesla et à bouleverser les codes de l’industrie automobile électrique américaine ? Nouvelle venue sur ce marché hyper concurrentiel, cette start-up fondée il y a trois ans ne propose ni peinture clinquante ni écrans tactiles omniprésents, mais des pickup électriques minimalistes et bon marché. Est-ce vraiment le type de véhicule que réclament les Américains, ou s’agit-il d’un pari risqué, voire utopique, face à la suprématie technologique des géants du secteur ?
Lors de sa présentation en grande pompe à Long Beach, Slate Auto a annoncé un véhicule vendu moins de 20 000 dollars (après bonus fédéral), promis pour la fin 2026. À l’heure où de nombreux constructeurs font la course à l’intelligence artificielle et au luxe digital, Slate choisit de revenir à l’essentiel, en proposant un véhicule personnalisable à l’extrême : manivelle pour les vitres, pas de système d’infotainment, tableaux de bord réduits à leur plus simple expression. Pourquoi ce retour à l’analogique maintenant ? Le chef de l’entreprise, Chris Barman, assure vouloir proposer une réponse à la flambée des prix qui, selon lui, a rendu l’automobile inaccessible à la classe moyenne.
Pourtant, des questions subsistent : le prix affiché tiendra-t-il ses promesses d’ici 2026, dans un contexte où les coûts des matières premières et de la main-d’œuvre varient toujours ? La promesse de ce pickup, qui se transforme en SUV cinq places au gré des envies, coche de nombreuses cases : batterie de 52,7 kWh (autonomie de 150 à 240 miles), capacité de charge inférieure à ses concurrentes (1 400 livres de chargement, 1000 livres de traction) et dimensions plus compactes qu’une Ford Maverick. Suffisant pour séduire un public familial ou commercial ?
Slate Auto bouscule le modèle traditionnel du secteur en misant tout sur l’accessibilité, la personnalisation et une approche délibérément anti-technologique.
Slate ne se contente pas de proposer une voiture low-cost : la clé de son modèle économique repose sur la personnalisation massive. Plus de 100 accessoires seront offerts dès le lancement, incitant le consommateur à façonner son véhicule à sa guise, à l’image d’un « Blank Slate » (ardoise vierge). Est-ce le futur de l’achat automobile, où chacun construit sa voiture à la carte, ou une manière habile de générer de la marge sur une base vendue à prix coûtant ? Même les habillages sont à choisir et poser soi-même ou via un “kit”, évitant ainsi les lourds investissements industriels liés à la peinture traditionnelle.
Mais cet esprit « Do It Yourself » peut-il convaincre au-delà des premiers enthousiastes ? Si Slate prévoit un portail d’aide en ligne, baptisé « Slate U », et un réseau de partenaires pour les moins bricoleurs, le défi reste immense : aucun constructeur n’a à ce jour réussi à démocratiser une voiture personnalisable à l’extrême, sans sacrifier l’expérience utilisateur ou la sécurité.
Justement, sur le plan sécuritaire, la start-up ne transige pas : les systèmes d’urgence et airbags imposés par les régulateurs sont bel et bien inclus. Mais sur le papier, Slate se frotte à une autre réalité : celle des jeunes pousses automobiles qui, l’une après l’autre, se sont fracassées contre les promesses non tenues et les écueils de la production de masse (Canoo, Fisker, Lordstown Motors en savent quelque chose).
Alors que la concurrence brûle des milliards pour arracher sa place au soleil du tout-électrique, Slate, forte de ses investisseurs prestigieux (comme Jeff Bezos ou Mark Walter), croit pouvoir échapper au destin funeste de tant de start-ups. Mais est-ce grâce à ce modèle ultra modulaire et minimaliste, centré sur la personnalisation et un prix d’appel attractif, que Slate pourra installer durablement son camion sur les routes américaines ?
Les consommateurs sont-ils prêts à renoncer au confort digital, au tout-écran et à la facilité pour retrouver la simplicité et la maîtrise de leur véhicule ?
Source : Techcrunch