La chute de la « taxe Apple » était-elle inévitable ? Depuis quatre ans, une guerre silencieuse mais déterminée opposait Epic Games à Apple autour de la place que doit occuper Fortnite sur les iPhones américains. Peut-on vraiment opposer si frontalement le géant créateur d’un jeu à la firme qui le distribue ? Où s’arrête le pouvoir de logement d’Apple sur son App Store, et où commencent les droits des développeurs à décider de leur modèle économique ?
Rappelons les faits : en 2020, Apple bannit Fortnite de l’App Store après que son éditeur Epic Games ait habilité les joueurs à régler leurs achats directement, court-circuitant ainsi la commission obligée de 30%. La riposte judiciaire ne tarde pas. Un an plus tard, la juge Yvonne Gonzalez Rogers tranche : Apple ne peut interdire aux studios de diriger les joueurs vers des systèmes de paiement hors l’écosystème Apple. Pourtant, le conflit ne faiblit pas. Pourquoi, alors, Fortnite n’est-il pas revenu sur iOS à ce moment-là ? Epic exigeait de pouvoir proposer une concurrence “loyale” à Apple directement dans l’application.
Mais cette semaine, un nouveau rebondissement : selon la juge Rogers, Apple s’est obstinément mis hors la loi, refusant de respecter son injonction. Pourquoi une telle désobéissance ? La juge va même jusqu’à parler d’“insubordination”. N’est-ce pas une gifle à l’autorité d’Apple, jusque-là toute puissante sur sa plateforme ? Faut-il y voir le signe d’un nouvel équilibre des forces, sous la pression des régulateurs et des développeurs ?
Après quatre ans de bras de fer, Fortnite revient sur l’App Store, marquant la chute de la « taxe Apple »… du moins pour l’instant.
La réaction de Tim Sweeney, patron d’Epic Games, ne s’est pas fait attendre. Arborant presque la victoire, il a martelé sur les réseaux sociaux : « Les commissions abusives de 15 à 30% viennent de mourir ici, aux États-Unis, comme elles sont déjà mortes en Europe sous le Digital Markets Act. Illégales ici, illégales là-bas. » Peut-on vraiment parler de fin de la « taxe Apple » ? Ou s’agit-il de la première bataille gagnée dans un affrontement plus largement européen et international autour de la régulation des plateformes ?
Un détail interpelle : malgré la première victoire judiciaire en 2021, Fortnite n’est resté invisible sur l’App Store que jusqu’à ce revirement. Qu’est-ce qui a changé en coulisses pour rendre ce retour aujourd’hui possible ? Les consommateurs verront-ils vraiment la différence dans leurs portefeuilles ? La victoire d’Epic annonce-t-elle un âge d’or de la concurrence, ou d’autres obstacles restent-ils à franchir pour les développeurs indépendants ?
Désormais, une question persiste : Apple acceptera-t-il durablement la nouvelle donne ou cherchera-t-il d’autres moyens de garder le contrôle ? Faut-il s’attendre à de nouvelles innovations, voire à un resserrement des règles ou à d’autres procédures judiciaires ? Alors que l’Europe donne déjà le ton avec sa régulation offensive, le marché américain va-t-il suivre le même chemin ou Microsoft, Google et consorts regarderont-ils cette saga comme le prélude à leurs propres batailles ?
Au fond, cette victoire pour Epic Games ne marque-t-elle pas une nouvelle ère dans le rapport de force entre développeurs et plateformes de distribution ? Les géants du numérique seront-ils tôt ou tard contraints d’abandonner leurs protections historiques, sous la pression des créateurs et des régulateurs ?
L’avenir de l’économie d’Internet se (re)jouerait-il aujourd’hui sur une simple application de jeux ?
Source : Techcrunch