La Grèce est-elle en train de vivre une véritable révolution technologique sous nos yeux, alors même que la majorité du monde regarde ailleurs ? Si le monde associe volontiers le pays à ses îles paradisiaques et à ses mythes antiques, qui s’intéresse aujourd’hui à la Silicon Agora qui émerge dans les rues d’Athènes et au-delà ?
Les chiffres sont-ils aussi prometteurs que les discours ? Car, depuis la crise qui faillit mettre la Grèce à genoux, il semblerait qu’un effort bien réel ait été entrepris pour transformer le pays en une « nation d’innovation » digne de ce nom. Au-delà des slogans et de la communication gouvernementale, quelles sont les preuves concrètes de cet élan ? Dans une interview exclusive, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis affirme que « les étoiles sont alignées » pour un envol technologique, tout en reconnaissant que le chemin reste long.
Comment la Grèce s’y est-elle prise pour revendiquer une place dans le club très fermé des économies innovantes d’Europe ? Selon Mitsotakis, ce n’est pas le fruit du hasard : une décision politique a été prise il y a six ans pour déplacer le curseur du tourisme vers la technologie. Le rêve affiché ? Que le secteur tech compte pour 10% du PIB, s’appuyant sur un nombre croissant de startups, de flux d’investissements et une dynamique nouvelle parmi entrepreneurs et investisseurs.
La Grèce mise sur sa capacité à innover vite, avec l’intention de dépasser certains de ses voisins européens.
Mais est-ce justement cet « arrivée tardive » qui fait aujourd’hui la force d’Athènes dans la tech ? À l’abri des pièges de la surenchère et des bulles spéculatives qui ont secoué d’autres places, la Grèce avance sur un terrain quasi vierge, avec la volonté affichée de faire de l’intelligence artificielle un levier de rattrapage, voire d’avance. Mitsotakis l’assure : l’administration grecque a déjà devancé certains pays européens dans la digitalisation de ses services publics, citant en exemple l’adoption d’un système d’IA, soutenu par Microsoft, qui a accéléré certaines procédures administratives de plusieurs heures à quelques minutes.
Est-ce le modèle d’un État client et moteur de l’innovation qui fera la différence ? Pour le Premier ministre, la modernisation de l’État et la vitalité de l’écosystème startup vont de pair. En se positionnant à la fois prestataire et client de solutions technologiques, la Grèce joue une carte originale et espère devenir un laboratoire pour l’innovation responsable, notamment dans des secteurs sensibles comme la santé ou la protection civile.
Mais attirer – ou faire revenir – les talents est-il si simple ? Malgré des mesures fiscales, dont un rabais de 50% d’impôt sur le revenu pendant sept ans, Mitsotakis admet que ce ne seront pas les seuls avantages fiscaux qui feront revenir les ingénieurs partis à l’étranger. L’attractivité du pays dépendra aussi de la qualité des emplois, de l’environnement entrepreneurial et des perspectives d’avenir. Les changements du programme « Golden Visa » (permis de résidence dès 250 000 € investis dans une startup grecque) ou l’ouverture à l’accueil de travailleurs et créateurs étrangers traduisent une volonté inédite de faire revenir ou venir ces talents nécessaires.
Peut-on vraiment parler d’une Silicon Valley à la grecque qui se dessinerait hors d’Athènes, avec la montée de pôles régionaux comme Thessalonique ou Héraklion ? Mitsotakis avance l’enjeu du développement régional, mais reconnaît aussi les défis qui persistent : lenteurs juridiques, manque de fonds de financement tardifs, complexité du marché européen… Reste que la Grèce parie désormais sur un climat retrouvé de stabilité et de prévisibilité, ingrédients longtemps absents durant la crise.
La véritable question demeure : la Grèce saura-t-elle rendre ce nouveau dynamisme technologique « irréversible », comme le souhaitent ses promoteurs et les investisseurs qui la rejoignent ? Si la magie n’opérera pas du jour au lendemain, la dynamique semble bel et bien enclenchée. Faut-il alors s’attendre à ce que le prochain grand succès européen dans la tech parle grec ?
Source : Techcrunch