Les utilisateurs de Gmail sont-ils prêts à laisser une intelligence artificielle résumer et filtrer le contenu de leurs échanges professionnels ? Depuis que Google a lancé sa nouvelle fonctionnalité de carte de résumé automatique sur l’application mobile, la question du contrôle et de la pertinence de l’information se pose plus que jamais.
Concrètement, Gmail génère désormais, grâce à son assistant Gemini, un résumé instantané dès qu’un fil de discussion long est ouvert sur un compte Google Workspace, que l’on utilise un téléphone iOS ou Android. Mais qui décide, au fond, de ce qui mérite d’être retenu ou pas dans ces fameux échanges ? N’est-ce pas confier un rôle clé à un assistant qui, jusqu’à présent, nécessitait une action manuelle de l’utilisateur via « Résumer cet e-mail » ?
Côté technique, Gemini s’engage à synthétiser en temps réel les points clés des conversations (en anglais uniquement pour l’instant), en actualisant la synthèse à chaque nouveau message reçu. Mais à quel point cette automatisation sera-t-elle fiable et personnalisée, si l’utilisateur n’a pas activé les « fonctionnalités intelligentes personnalisées » sur Gmail, Chat, Meet et l’ensemble de Workspace ? Reste aussi une incertitude : pourquoi Google réserve-t-il cette nouveauté aux clients Workspace et aux versions mobiles, sans communiquer sur une éventuelle extension pour les comptes personnels ou la version bureau de Gmail ? Espère-t-elle tester ses algorithmes sur un public divisé ou cherche-t-elle à instaurer une forme de premiumisation de l’IA dans le mail ?
Automatiser le résumé des e-mails, est-ce gagner du temps, ou risquer de perdre le contrôle de sa propre communication ?
Le rôle de Gemini ne s’arrête pas là : il propose également de rédiger des messages à votre place, ou d’extraire des informations de votre Drive et de votre boîte de réception. Lors de la dernière conférence I/O, Sundar Pichai, PDG de Google, a évoqué l’arrivée prochaine des « Réponses Intelligentes Personnalisées », capables d’analyser votre style et le contexte de vos échanges pour générer une réponse cohérente et fidèle à vos habitudes. Doit-on y voir une simplification extrême de nos interactions, ou un nouveau risque d’uniformisation du ton et de perte d’authenticité, sous couvert d’efficacité ?
À l’heure où l’intelligence artificielle s’invite dans nos communications professionnelles et personnelles, les enjeux ne sont-ils pas aussi bien éthiques que pratiques ? Quelle garantie avons-nous sur la confidentialité et la sécurité de nos contenus une fois passés sous le prisme de l’IA ? Et jusqu’où irons-nous dans l’automatisation de tâches jugées autrefois profondément humaines ?
Si tout semble indiquer que la synthèse automatique des échanges répond à un véritable besoin face à la surcharge informationnelle, une question demeure : sommes-nous prêts à déléguer à l’IA une telle part de notre quotidien numérique, au risque de voir nos échanges filtrés, interprétés et parfois même réécrits par des algorithmes dont nous ne maîtrisons pas toujours les ressorts ?
Source : Engadget