Transparence, immersion, fusion des univers… À en croire la WWDC 2025 et la galaxie Apple, la technologie n’a jamais autant cherché le reflet parfait, à mi-chemin entre le miroir de fête foraine et la boule de cristal. “Liquid Glass” devient la métaphore suprême du moment, promesse de clarté numérique, d’illusion sensorielle – ou, soyons honnêtes, de poudre aux yeux iconique sur fond d’intelligence artificielle poussive. La course à la fluidité visuelle s’étend, comme une pellicule de vernis sur notre quotidien, mais avec quoi remplit-on vraiment ces écrans toujours plus brillants ?
La hausse en gamme cosmétique n’est pas que chez Apple. Superpositions chatoyantes côté iOS, barre de son JBL qui s’enorgueillit de modules détachables et de puissance stratosphérique, jeux vidéo où l’on ne sue plus sur des pixels mais dans des univers entiers repensés autour de l’expérience – voir Lumines Arise ou le steampunk de Clockwork Revolution. Le clinquant, partout, efface presque la question centrale : le progrès est-il dans la sensation, le gadget, ou la vraie vie améliorée ? N’assiste-t-on pas à une immense partie de cache-cache où le sens se dissimule derrière le design, l’ergonomie, et les titres millésimés jusqu’à l’ivresse ?
Le miroir aux alouettes technologique gagne aussi la sphère domestique : aspirateurs robots premiers prix qui clament la révolution alors qu’ils cachent souvent la fragilité sous l’apparence du tout-automatique (Le vrai visage des aspirateurs robots bon marché), périphériques gaming qui promettent la victoire alors qu’ils ne changent qu’une chose : le ressenti, jamais le fond (Le clique fait la souris). On façonne nos outils pour qu’ils nous ressemblent, mais on ignore trop souvent ce que l’on y gagne, ou ce que l’on y perd. Jusqu’où la transparence n’est-elle pas devenue l’ultime rideau derrière lequel on planque les ratés de l’AI, le marketing, les choix par défaut ?
La grande illusion contemporaine n’est plus dans ce qu’on cache, mais dans ce qu’on affiche – et la technologie, reine de la transparence, invente chaque jour de nouvelles opacités.
En filigrane, l’unification des plateformes, la centralisation des données, la fluidité d’usage sont les nouveaux mythes fondateurs. Voyez le ballet de Liquid Glass alignant hardware et software, la ruée sur l’annotation de données IA chez Scale AI, la promesse d’un univers connecté, homogène, lisse, et… sidérant par sa fausse simplicité. Tout se touche, tout s’affiche, tout s’intègre, mais l’esprit critique se perd à force de reflets. À qui sert vraiment ce monde sans coutures apparentes ? L’expérience, la personnalisation, la nostalgie masquée de nouvelles interfaces, ne sont-elles pas là pour vendre l’impression de choix alors que nous restons scotchés derrière la vitre, spectateurs impuissants d’un spectacle sur-mesure ?
À force de vouloir effacer la frontière entre passé et futur, vrai et faux, concret et virtuel, la tech actuelle prend le risque de se dissoudre dans son propre éclat. L’innovation se résumera-t-elle à de nouveaux effets de transparence et d’ergonomie, ou parviendra-t-elle enfin à rendre nos vies plus authentiques, plus libres, moins dépendantes du dernier effet de mode logiciel ? Au prochain keynote, au prochain reveal, il faudra sans doute plisser les yeux pour discerner, derrière le brillant du “Liquid Glass”, la substance de ce qu’on attend d’une vraie révolution numérique.