Dans un monde où l’argent envoyé par la diaspora africaine circule principalement sous forme de transferts familiaux, une question s’impose : et si cet argent pouvait transformer en profondeur le paysage économique du continent ? Pourquoi tant de capital ne sert-il pas à investir, à créer, à bâtir – mais plutôt à subvenir à l’urgence du quotidien ?
L’histoire de Joe Kinvi commence de façon classique : financier talentueux, il se retrouve chez Touchtech Payments sans pouvoir toucher le salaire qu’il mérite. N’auriez-vous pas tenté, vous aussi, de négocier des actions en échange ? Son pari s’avère gagnant lorsqu’il se retrouve, après l’acquisition de sa société par Stripe, actionnaire de la licorne américaine. Soudainement autonome, il peut créer, innover et, surtout, questionner la rigidité des systèmes en place.
Face à la difficulté récurrente d’investir collectivement en Afrique, surtout pour ceux qui vivent à l’étranger, Kinvi a expérimenté toutes les galères : comptes bancaires gelés, réglementations absconses, obstacles administratifs en série. Pourquoi est-ce aussi compliqué de transférer un capital productif, alors que les outils technologiques existent ?
Le défi de transformer l’épargne de la diaspora en investissement collectif reste entier, mais la technologie pourrait bien bousculer les règles du jeu.
C’est de ces frustrations qu’est née Borderless, la plateforme qui ambitionne aujourd’hui de simplifier le chemin de l’investissement pour les Africains de la diaspora. Plus de 500 000 $ de transactions ont déjà transité par le service depuis sa bêta, tandis qu’une centaine de communautés patientent sur liste d’attente. Quels types de projets sont soutenus ? Des startups prometteuses, deux projets immobiliers au Kenya, et un ticket d’entrée pensé pour démocratiser l’investissement.
Mais la question de fond demeure : la confiance. Trop d’histoires circulent de familles ruinées après un investissement informel envoyé au pays pour un terrain, une maison… jamais construite. Kinvi en tire la leçon : plus question de confier l’argent à des tiers. Désormais, chaque centime transite via un tiers de confiance (avocat, compte séquestre), chaque dossier est blindé juridiquement, chaque collectif est solvable et transparent. Légitimité, sécurité, digitalisation complète : pourquoi les grandes plateformes de transferts se sont-elles jusqu’ici tant peu intéressées à ce créneau du capital long terme ?
Reposant sur une structure réglementaire anglaise, Borderless se rémunère à travers les frais de transaction, les cotisations et les spreads de change, tout en préparant l’avenir avec des remises, des outils de gestion d’actifs et, peut-être, l’extension aux investissements culturels. La mission est claire : libérer, selon Kinvi, plus de 30 milliards de dollars de “savings” migrantes, ces capitaux qui dorment chaque année au lieu de servir à bâtir l’Afrique de demain.
Alors que les premiers investisseurs et utilisateurs – dont des figures financières de chez Stripe, Google ou Paystack – valident le modèle, un défi arrive à grands pas : faudra-t-il professionnaliser encore davantage les processus de vérification et de lutte contre la fraude, sous peine de voir la promesse de Borderless compromise au premier scandale majeur ? Jusqu’où la diaspora saura-t-elle fédérer et investir, et la technologie tiendra-t-elle toutes ses promesses pour inverser la donne ?
Source : Techcrunch