Jusqu’où l’Europe peut-elle encore faire confiance aux géants américains de la tech pour ses communications sensibles et sa souveraineté numérique ? C’est la question brûlante qui se pose aujourd’hui, après une série d’incidents inquiétants. Faut-il repenser en profondeur notre dépendance aux solutions venues d’outre-Atlantique ?
Tout a commencé avec une décision choc de la Maison Blanche : à la suite de sanctions imposées par Donald Trump contre Karim Khan, le procureur en chef de la Cour pénale internationale (CPI), les répercussions se sont immédiatement fait sentir dans le secteur privé. Comment expliquer que Microsoft ait alors coupé l’accès mail de Khan ? S’agit-il d’un simple geste réglementaire ou d’un signal inquiétant sur la capacité d’action unilatérale de Washington via ses entreprises phares ?
L’ancien diplomate et ex-cadre de Microsoft, Casper Klynge, n’hésite pas à parler de « preuve manifeste » (“smoking gun”) recherchée depuis longtemps par les Européens. Ces derniers, déjà inquiets d’une dépendance excessive aux outils américains, auraient trouvé là la confirmation que leur autonomie digitale est bel et bien fragilisée par ce genre de scénario. Plusieurs membres du personnel de la CPI n’ont d’ailleurs pas hésité à migrer vers Proton, une messagerie suisse, symbole d’une quête de solutions locales et de souveraineté renforcée. Comment réagiront les autres institutions, désormais alertées par cette affaire ?
La suspension d’un compte email par Microsoft n’est-elle pas le symptôme d’une vulnérabilité structurelle qui menace la souveraineté numérique européenne ?
Le point central de ce débat est limpide : chaque fois que l’administration américaine impose des sanctions à l’encontre de personnes ou d’organisations étrangères, les entreprises américaines doivent-elles obligatoirement s’exécuter, quitte à mettre en péril la sécurité des communications de partenaires internationaux ? Pour Klynge et d’autres observateurs, le risque est désormais avéré. Reste à savoir si ce cas isolé marque le début d’une vague de désengagement vis-à-vis des solutions US, ou si les messages rassurants de Microsoft – qui assure avoir modifié ses politiques internes et n’avoir pas désactivé des comptes similaires lors d’incidents récents – suffiront à calmer les esprits.
Les grandes manœuvres semblent déjà lancées. Satya Nadella, PDG de Microsoft, a vite présenté de nouvelles “solutions souveraines” censées garantir aux institutions européennes une meilleure protection contre les interférences extérieures. Mais face à ce coup de semonce, ne sommes-nous pas en train d’assister à une accélération de la stratégie “buy local” prônée par certaines coalitions européennes du secteur technologique ?
Au-delà de la guerre commerciale, c’est l’idée même de confiance et de résilience numérique qui se joue ici. Les réactions des gouvernements, des entreprises publiques et des acteurs privés européens seront-elles à la hauteur de l’enjeu ? Ou continueront-ils à s’exposer au bon vouloir des décisions américaines ?
Finalement, sommes-nous à l’aube d’un nouveau chapitre où l’Europe reprendra la main sur ses outils technologiques, ou bien les annonces des géants américains suffiront-elles à rassurer et à maintenir le statu quo ? Le débat ne fait que commencer.
Source : Techcrunch