La Silicon Valley et ses géants vantent sans cesse les promesses de l’IA générative : ouverture de nouveaux métiers, croissance économique, voire apparition de « licornes solo » capables de bâtir des empires à elles seules. Mais ces perspectives sont-elles vraiment aussi radieuses pour tous ? Faut-il s’attendre à un futur où les bénéfices de l’IA boosteront le PIB, ou bien où des millions perdront leur emploi dans un déséquilibre économique sans précédent ?
Aujourd’hui, Anthropic, l’un des meilleurs élèves du secteur, lance un « Economic Futures Program » inédit. À quoi joue vraiment l’entreprise ? L’objectif affiché est de soutenir la recherche indépendante sur l’impact de l’IA sur le marché du travail et l’économie globale, et de préparer des politiques publiques « fondées sur les preuves ». Un moyen de prendre de vitesse la catastrophe potentielle, ou une opération de communication alors que la pression sociale monte ?
Dans l’œil du cyclone, Sarah Heck, responsable des politiques publiques chez Anthropic, affirme vouloir remettre l’évidence scientifique au cœur des débats, sans parti pris. Pourtant, comment ignorer la prédiction alarmante du PDG Dario Amodei lui-même, qui anticipe près de la moitié des emplois débutants de cols blancs rayés de la carte, et un chômage potentiellement explosif à 20% d’ici cinq ans ? Est-ce le glas pour la classe moyenne ? Ou une simple provocation pour déclencher la prise de conscience collective ?
Face à l’incertitude, Anthropic cherche à encadrer – ou à influencer – la conversation mondiale sur l’avenir du travail et de l’économie à l’ère de l’IA.
Anthropic n’arrive pas les mains vides : leur Economic Index, lancé en février, rend déjà publiques des données anonymisées sur les conséquences économiques de l’IA, quand tant de rivaux préfèrent garder ces chiffres sous clé. Pourquoi cette ouverture soudaine ? Est-ce un acte de transparence inattendu ou une manière subtile de façonner la perception du public et des décideurs politiques ?
L’entreprise compte financer des équipes de chercheurs, organiser des forums de réflexion sur la régulation et l’accompagnement du changement, mais aussi construire de nouveaux jeux de données pour tracer l’évolution du marché. Parmi les premières actions, Anthropic propose des bourses rapides jusqu’à 50 000 dollars pour des travaux empiriques, et invite chercheurs et institutions à soumettre leurs idées politiques pour ses symposiums à Washington et en Europe. Cette frénésie de consultation servira-t-elle à anticiper le chaos, à bricoler un filet de sécurité… ou à gagner du temps ?
Sarah Heck insiste : tout ne sera pas négatif, certains secteurs peuvent même s’épanouir. Mais qui tranchera entre « création de valeur massive » et « licenciements massifs » ? L’entreprise veut s’ouvrir à des points de vue pluriels, incluant la politique fiscale, la transformation des workflows, ou encore la naissance d’emplois inconnus – mais à qui profitera la métamorphose, et qui restera dans l’ombre ?
À côté, OpenAI dévoile de son côté une « feuille de route économique » orientée sur l’adoption de l’IA et le déploiement d’infrastructures, mais reste beaucoup plus évasif sur la question sensible de la perte d’emploi. D’autres acteurs, tels Lyft, tentent aussi de rassurer leur base en consultant chauffeurs humains avant la généralisation de la robotisation. Cette soudaine volonté d’écoute et d’anticipation traduit-elle une prise de conscience réelle, ou une tentative de calmer le jeu face à la montée de la peur sociale ?
La multiplication de ces initiatives marque-t-elle le début d’une régulation co-pilotée par la tech, ou n’est-elle qu’une manière d’établir ses propres règles avant l’intervention des pouvoirs publics ? Au fond, qui façonne véritablement notre avenir économique : l’algorithme ou le citoyen ?
Source : Techcrunch