Peut-on vraiment faire confiance aux studios de jeux vidéo quand ils affirment privilégier la créativité et la qualité humaine ? Lorsque des joueurs découvrent que des textes ou des traductions d’un titre attendu, comme The Alters de 11 Bit Studios, auraient été générés par intelligence artificielle — sans mention préalable —, la transparence du secteur est-elle remise en cause ?
À l’origine, The Alters était salué pour sa promesse narrative et son ambition immersive. Mais l’enthousiasme est vite retombé quand certains joueurs ont découvert des passages visiblement issus de modèles linguistiques automatisés, dans des textes présents en jeu. Pourtant, la plateforme Steam, rigoureuse sur le sujet, exige une indication explicite dès qu’un contenu est généré par IA. Pourquoi ce label a-t-il été absent ? Les artistes numériques et les fans, irrités, veulent des réponses.
Interpellé, le studio a reconnu la présence d’un texte généré par IA dans un asset graphique, qu’il présente comme “simple fichier temporaire” oublié lors de la livraison. Faut-il y voir une simple erreur humaine, ou une négligence plus profonde dans la gestion de projet ? 11 Bit Studios assure avoir lancé une enquête interne et procédé à un correctif, mais la situation est-elle vraiment sous contrôle pour le reste du jeu ?
Certains choix de gamedev entre rapidité et intégrité soulèvent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses.
Et ce n’est pas tout. D’autres éléments utilisés, notamment pour la traduction des sous-titres de films présents dans l’espace social du jeu, ont aussi été générés par IA. Selon l’éditeur, il s’agirait de rushs imposés par des “contraintes de temps extrêmes”. Les agences de traduction partenaires n’auraient pas été impliquées avant le lancement, les versions humaines devant arriver dans un patch ultérieur. Comment expliquer aux joueurs que ce qui est vendu comme “expérience premium” intègre en réalité des procédés automatisés, a posteriori justifiés par la pression du calendrier ?
Le nœud du problème réside peut-être là : la tentation croissante de céder à la facilité technologique sous couvert d’impératifs de production. Est-ce de l’innovation pragmatique ou un signe inquiétant du malaise dans l’industrie ? Qu’il s’agisse d’accusations ou d’aveux, de nombreux géants du secteur peinent à rassurer un public devenu méfiant face à l’opacité entourant l’usage des intelligences artificielles. À quel moment l’éthique doit-elle prendre le pas sur la rapidité et les profits, surtout dans un secteur où la création prime ?
Le débat est donc loin d’être clos, aussi bien pour les artistes que pour les joueurs, sur le rôle et la portée réelle de l’IA dans la réalisation de jeux vidéo. Face à une accélération des processus et à des annonces de “crunch” chronique, peut-on encore espérer que la qualité humaine et artisanale retrouve sa place centrale dans les productions futures ?
Le studio promet des correctifs et une meilleure communication à l’avenir — mais la confiance, elle, se regagnera-t-elle aussi facilement que quelques lignes de code se remplacent ?
Source : Engadget