Que se cache-t-il réellement derrière la « tokenisation » de parts de sociétés privées comme OpenAI par Robinhood ? Cette initiative, qui fait polémique, mérite d’être scrutée, d’autant que le doute plane sur la nature même de ce que ces jetons représentent. Les consommateurs européens sont-ils sur le point d’accéder à une nouvelle forme d’investissement, ou faut-il se méfier d’une innovation au marketing ambigu ?
En début de semaine, Robinhood a annoncé vendre des « actions tokenisées » de groupes comme OpenAI et SpaceX à travers l’Union Européenne. Cette annonce a enflammé la Bourse, propulsant le titre Robinhood à des sommets. Mais la réponse cinglante d’OpenAI ne s’est pas fait attendre : la société d’intelligence artificielle a immédiatement prévenu sur X (anciennement Twitter) qu’elle ne soutenait pas cette offre et n’avait donné son accord à aucune forme de transfert d’actions. Alors, peut-on vraiment croire que ces tokens offrent un accès à la richesse créée par OpenAI ?
L’ambiguïté est de rigueur. Selon Robinhood, ces tokens permettraient d’obtenir une exposition indirecte à la valeur d’OpenAI, à travers une structure financière appelée SPV (Special Purpose Vehicle). Mais une part de SPV ne correspond ni à une part de la société, ni à un droit de vote. Qui contrôle vraiment ce véhicule d’investissement, et sur quelle base la valeur du token est-elle fixée ? La déclaration d’OpenAI est limpide : il ne s’agit en rien d’un accès à leur capital, mais Robinhood défend sa position envers les investisseurs particuliers qui, selon elle, réclament ce type d’exposition innovante.
La frontière entre exposition financière et possession réelle d’actions n’a jamais été aussi floue, et c’est bien ce flou qui inquiète aujourd’hui.
Qui croit-on dans cette histoire : le géant du courtage, qui promet une « révolution de la tokenisation », ou la pépite de l’intelligence artificielle, qui met en garde contre une confusion entretenue ? À la lecture des conditions de Robinhood, il apparaît que les acquéreurs de tokens n’achètent que des contrats enregistrés sur blockchain « qui suivent le prix des actions », et non les actions elles-mêmes. Les investisseurs sont-ils conscients de cette nuance fondamentale ? Beaucoup de sociétés privées, comme OpenAI, tiennent à garder un contrôle absolu sur leurs titres et se méfient des marchés secondaires non autorisés et de la spéculation qui peut fausser leur valorisation réelle.
Ironiquement, Robinhood revendique un dialogue positif avec de nombreuses sociétés privées à propos de cette avancée vers la « tokenisation » généralisée. Mais OpenAI, comme d’autres startups stratégiques, préfère l’opacité et le contrôle à l’ouverture tous azimuts. D’ailleurs, des sociétés telles que Figure AI n’hésitent pas, elles, à envoyer des injonctions pour préserver leurs intérêts et éviter toute confusion sur la détention d’actions. Robinhood entretient-elle l’illusion d’un accès à la Silicon Valley pour les particuliers, alors qu’il ne s’agit que d’une promesse virtuelle ?
Face à une innovation réglementairement incertaine et à la méfiance affichée par les sociétés concernées, la question reste entière : à qui profite vraiment la « tokenisation » des actions privées : aux investisseurs particuliers, ou aux plateformes qui flairent la bonne affaire entre deux mondes cloisonnés ?
Source : Techcrunch