Dans un monde où les attentes flirtent avec l’impatience et où chaque lancement se transforme en mini-saga nationale, la technologie semble avoir trouvé sa plus belle parade : retarder, teaser, faire frémir, puis vendre la promesse… avant le produit. Que ce soit le lancement tonitruant de Hades II toujours pas sorti mais déjà acclamé en accès anticipé, le pick-up électrique Slate dont le prix promo vient de fondre aussi vite que l’espoir d’une voiture électrique pas chère, ou encore la Blink Mini 2 bradée aujourd’hui… mais exigeant demain son tribut au panthéon des abonnements. Ce que l’on vit, ce n’est plus la révolution technologique, c’est la comédie humaine du teasing permanent.
Le génie du marketing n’a fait qu’un avec l’innovation, brouillant sans complexe la frontière entre la véritable avancée et la promesse perpétuelle. Hades II, salué comme « culte » avant même de livrer la « vraie fin », joue la carte de l’anticipation jusqu’à l’os. Même jeu avec l’Apple Watch Series 10, objet fétiche d’un Prime Day effréné, où le solde vaut davantage par la rareté organisée du produit que par la vertu de son innovation. Sur le podium de cette foire aux mirages, le streaming TV qui, tel un abonnement gym, finit toujours par coûter le double du prix initialement affiché (coucou la Zap’révolution !).
Le grand gagnant ? Celui qui maîtrise le suspense, qui vend l’attente, qui orchestre la frustration en délice consumériste. L’épopée de la Blink Mini 2 en est la parfaite allégorie : caméras à prix plancher, mais détection « intelligente » payable mensuellement, dans le grand bal du modèle as-a-service où même la sécurité devient abonnement à la carte. Même le rêve électrique de Slate passe à la caisse fiscale, pulvérisant la promesse du véhicule populaire au premier vent politique contraire. Bref, chaque offre s’accompagne d’un « mais », chaque deal d’un délai, chaque nouveauté d’une injonction à la patience, à l’abonnement ou au comparatif permanent.
La technologie moderne célèbre moins le progrès que l’art de faire saliver—puis attendre et repayer.
Cette stratégie, qu’elle soit subie ou calculée, dessine notre rapport contemporain à l’innovation : un éternel entre-deux, où l’objet désiré—jeu vidéo, voiture ou sécurité domestique—existe essentiellement dans l’attente ou dans la limite impalpable de la prochaine version. Désormais, on n’achète plus un produit, on signe pour son évolution, sa maintenance, sa promesse renouvelable… et sa future obsolescence soigneusement programmée. Le hype, c’est la nouvelle foi : chacun guette la mise à jour, la révolution de poche, le bonus qui arrivera « peut-être » demain. Rêver, c’est déjà consommer.
La question finale pourrait bien être celle-ci : combien de temps accepterons-nous d’acheter du vent emballé dans une belle boîte, en espérant la tempête qui, enfin, fera tourner la roue de l’innovation réelle ? Ou alors, avons-nous déjà tiré un malin plaisir à faire durer la fête de l’attente, où chaque promo, chaque teasing, chaque annonce repoussée serait le vrai spectacle ? L’économie de la promesse n’est-elle pas devenue la plus lucrative de toutes ? À vous, désormais, de zapper entre réalité… et mirage.