Faut-il trouver du réconfort dans l’intelligence artificielle quand on vient tout juste de perdre son emploi ? C’est la question troublante que pose l’actualité du côté de Microsoft, où la vague de licenciements s’accompagne d’un conseil étonnant : utiliser Copilot ou ChatGPT pour surmonter cette période difficile. Mais la machine peut-elle vraiment remplacer l’humain dans ses moments les plus vulnérables ?
Cette semaine, ce sont 9 000 employés de Microsoft qui se voient remerciés, amenant l’exécutif Matt Turnbull, producteur chez Xbox Game Studios Publishing, à prendre la parole sur LinkedIn avec une proposition pour le moins singulière. S’adressant à ceux qui viennent d’apprendre leur licenciement, il leur suggère en toute empathie de se tourner vers des outils LLM (Large Language Models) comme Copilot ou ChatGPT. Son idée ? Ces IA pourraient servir à alléger le poids émotionnel et cognitif du choc que représente la perte d’un emploi, en aidant à rédiger des messages de candidature ou à repenser son CV.
Pourtant, la réaction du public ne s’est pas fait attendre. Sur Bluesky et LinkedIn, son post est rapidement critiqué, certains y voyant une forme de déshumanisation ou d’ironie involontaire, dans un contexte où l’IA est souvent perçue comme une menace pour l’emploi. Turnbull ira même jusqu’à supprimer sa publication quelques heures plus tard, preuve d’un malaise palpable : proposer une solution technologique à un problème éminemment humain, n’est-ce pas une façon de botter en touche plutôt que de s’attaquer aux vrais enjeux ?
À l’heure où la technologie avance à marche forcée, la frontière entre aide et remplacement se brouille.
Microsoft assume pourtant un virage massif vers l’IA : en plus de ces licenciements, le groupe a promis 80 milliards de dollars d’investissement dans l’infrastructure IA et revendique désormais que 30 % du code écrit chez Microsoft serait généré par des intelligences artificielles. Peut-on vraiment croire que cette course effrénée ne soit pas directement liée aux vagues de licenciements qui secouent l’entreprise ? Au même moment, un autre cadre confirme en interne que l’usage de Copilot « n’est plus optionnel », alors que des développeurs au sein même des studios touchés par les licenciements craignent que l’IA ne serve finalement qu’à remplacer le travail humain à grande échelle.
Face à ce tsunami, la question des priorités se pose : faut-il investir massivement pour confier toujours plus de responsabilités à l’intelligence artificielle, quitte à laisser sur le carreau des milliers d’employés ? Ou bien repenser le lien, devenu fragile, entre innovation technologique et respect du capital humain ? Les messages d’encouragement de la part de dirigeants, même bienveillants, suffisent-ils à atténuer le cynisme d’une telle stratégie ?
En définitive, si l’IA promet de vous aider à « regrouper vos idées » ou à « clarifier vos émotions » lors d’un licenciement, cette démarche ne sonne-t-elle pas comme une tentative de colmater une brèche que la technologie elle-même contribue à creuser ? À qui profite vraiment ce conseil : aux employés perdus dans le flot des changements, ou à une entreprise qui cherche avant tout à façonner un futur moins dépendant de l’humain ?
À l’heure où l’IA prend une place croissante dans le secteur de la tech, peut-on réellement voir dans ces outils une épaule sur laquelle s’appuyer… ou seulement le visage impersonnel du progrès ?
Source : Engadget