Il fut un temps où nous rêvions d’une technologie libératrice, ouverte, universelle, web sans frontières ni dogmes. 2025 sonne la fin de cette candeur : partout, la tech se barricade, restreint — et promet le paradis dans des cages dorées aux barreaux d’API sur-mesure. Voyez Truth Search AI de Truth Social : moteur IA qui prétend révéler LA vérité, mais qui ne regarde que les coins bien rangés du web triés sur le volet par ses maîtres politiques. Lumière uniquement là où la main qui tient la torche le veut bien : une nouvelle chasse gardée pour la pensée.
Dans le ciel, la liberté ne semble guère plus réelle. Hubble Network et Muon Space ambitionnent un Bluetooth global depuis l’espace, promettant de tout connecter… pour mieux surveiller, tracer, industrialiser la planète entière sans le moindre capteur supplémentaire. Parallèle saisissant : sur la Lune, la NASA rêve d’emprisonner l’énergie dans des réacteurs nucléaires (course au réacteur lunaire) au nom de la domination énergétique, et l’espace devient vraiment un service à la demande, « space-as-a-service » — ou plutôt space-as-a-casino-high-tech. Tout est connecté, rien n’appartient vraiment, l’infrastructure devient loyauté forcée.
Et pendant que l’on pose des barbelés sur la Lune comme sur nos réseaux, l’IA redouble de zèle pour nous accompagner… jusqu’à l’école. Google s’érige en mentor avec Gemini Guided Learning, OpenAI fait de ChatGPT un tuteur, tous veulent éviter l’école du plagiat mais imposent le baiser digital, version guidée et fliquée. Ce rapprochement feint entre apprentissage et autonomie se déroule dans le brouhaha d’assistants IA toujours plus performants, mais qui pourraient bien transformer chaque étudiant en bulle de pensée algorithmiquement déterminée. L’innovation pédagogique ? Ou la fabrique d’un grand cheptel cognitif docile et soumis à la dictée logicielle ?
Le progrès numérique d’aujourd’hui consiste davantage à choisir qui tient la télécommande qu’à célébrer l’ouverture des possibles.
Pour parachever le tableau, la cybersécurité s’érige en passoire sous paillettes. On croyait nos secrets d’entreprise entre de bonnes mains chez Google Cloud… et voilà ShinyHunters qui siphonnent joyeusement les bases Salesforce comme on pille une supérette laissée ouverte. Tout cloud, tout externalisé, mais sécurité dissipée façon nuages d’orage. Même la consolidation dans la jungle IA — l’affaire Windsurf, coquille vide rachetée dans la tempête des coûts exponentiels — souligne la tendance : la suppression des marges, la guerre de la donnée, et la difficulté à surfer sur la hype sans boire la tasse.
Dans cette fresque, chaque « révolution » technologique — qu’elle se targue de dominer la lune, de centraliser la vérité ou d’unifier l’apprentissage — semble se heurter à la même faille : le fantasme du contrôle total, vite miné par les réalités du filtrage, de l’exclusivité, de la vulnérabilité. Nos sociétés courent, main dans la main avec des IA toujours plus puissantes (salut GPT-5 !), vers un monde où la liberté numérique n’est plus que le souvenir d’un web sauvage, remplacé par des parcs d’attractions privés, surveillés, customisés, monétisés jusqu’à l’os — et bien sûr, sécurisés… par des bulles de savon.




