« La fusion, c’est un peu comme les régimes miracles : on en entend parler depuis des décennies, mais le résultat se fait toujours attendre. » Et pourtant, contre toute attente, pendant que certains acteurs de la fusion balbutient, une petite start-up du Wisconsin, Realta Fusion, vient de taper dans l’œil des investisseurs. Pas mal pour un domaine que certains comparent volontiers à de la science-fiction… version interminable.
Alors que ses concurrents serrent la ceinture ou jettent l’éponge, Realta Fusion joue la carte de l’audace : la société vient de lever 36 millions de dollars (oui oui, rien que ça) pour finaliser le design de son prototype de réacteur baptisé Anvil. Kieran Furlong, son patron, l’a affirmé tout sourire : « À la fin de la série A, on sera prêt, pelle en main, pour bâtir Anvil. » En clair, chez Realta, on ne fait pas que rêver, on met le plan sur la table et le casque sur la tête.
Ce tour de force financier a été rendu possible grâce à la participation de gros poissons du capital-risque, notamment Future Ventures et Khosla Ventures, sans oublier le soutien local de la Wisconsin Alumni Research Foundation. La start-up n’a que trois ans et déjà une belle brochette de records à son actif, comme celui du champ magnétique le plus puissant jamais utilisé pour confiner du plasma. Oui, le plasma, ce gaz super chaud qu’il faudrait dompter pour (enfin !) déclencher la fameuse réaction de fusion…
L’univers de la fusion n’est pas aussi explosif qu’il le paraît : entre promesses et progrès, l’énergie miracle sait cultiver le suspense.
Si les promesses de la fusion évoquent souvent un futur radieux et décarboné, la réalité (sans jeu de mot) est plus nuancée : à ce jour, un seul labo a réussi ce qu’on appelle le « breakeven » scientifique, c’est-à-dire générer autant d’énergie qu’il en faut pour démarrer la réaction. Mais entre la théorie et une centrale rentable dans la vraie vie, il reste… l’équivalent d’un marathon sous la neige. Pourtant, chez Realta, on a l’optimisme vissé au cœur et on vise, à terme, de produire de l’électricité à 100 dollars le mégawatt-heure, puis de descendre à 40 — des records qui pourraient faire rougir les centrales à gaz les plus efficaces.
Mais quel est donc le secret du chef ? Un réacteur basé sur le concept du « miroir magnétique » : en gros, on piège un plasma surchauffé grâce à des aimants costauds à chaque extrémité, et des aimants un peu moins balaises au centre — une recette flexible qui permettrait même d’ajouter des sections pour produire plus d’énergie, à la façon d’un LEGO énergétique. Ajoutons à cela le fait que l’équipe travaille main dans la main avec l’Université du Wisconsin… Le projet sent bon la coopération universitaire et la sueur de chercheurs passionnés.
Dans cet État déjà sur le devant de la scène tech (merci à la frénésie des data centers et le projet Microsoft local, sans oublier le fameux fiasco Foxconn), Realta n’est pas la seule start-up à miser sur la fusion. Les politiciens flairent eux aussi le filon et parlent déjà de transformer le coin en Silicon-Valley-nucléaire. Miracle sur le Mississippi, ou simple buzz législatif ? Seul l’avenir (et sans doute une armée de lobbies électriques) le dira.
Reste que malgré tout cet enthousiasme, Kieran Furlong garde la tête froide : la fusion, c’est aussi un concours de patience. Plusieurs dizaines d’entreprises s’y cassent les dents, et il ne faudrait surtout pas qu’un échec tonitruant vienne refroidir tout le secteur. « On veut tous réussir ! » clame-t-il, lucide. Bon, si la fusion finit par marcher, au moins, on pourra dire qu’ils n’ont pas manqué… d’énergie !
Source : Techcrunch