Quel point commun entre la fusion nucléaire du Wisconsin, la minceur extrême d’un smartphone coréen, les lunettes connectées qui ne comprennent personne en Inde, les IA qui envahissent nos PC, et Apple qui voudrait bien rendre “accessibles” tous les sentiers numériques ? Aucun, répondront les mauvais esprits. Pourtant, sous la surface, technophiles et industriels dessinent aujourd’hui une société où tout doit être plus simple, plus fluide, plus immédiat… tout en restant désespérément hors de portée pour celles et ceux qui ne cochent pas toutes les cases de la “norme” numérique.
Prenez Apple et ses nouvelles « Accessibility Nutrition Labels ». Chaque application sur l’App Store aura bientôt droit à ses petites vignettes d’inclusion, histoire de rassurer tout le monde : chez Apple™, la différence n’est plus une gêne mais un argument marketing emballé “diversité”. Mais à l’heure où la Pomme multiplie les fonctions d’accessibilité, la vraie question demeure : va-t-on vers une société réellement plus inclusive – ou se contente-t-on de superposer les options pour mieux masquer qu’aucune ne révolutionne l’expérience des usagers concernés, voire ne transforme leur vie quotidienne ?
La technologie, elle, ne manque ni d’énergie (voir les promesses — toujours futures ! — de la fusion nucléaire par Realta Fusion), ni d’épaisseur, surtout si vous vous appelez Samsung. Son Edge dernier cri (5,8 mm d’épaisseur pour pavaner) incarne bien cette fuite en avant : il faut que tout rentre dans la poche et que rien ne dépasse, quitte à sacrifier caméras ou batterie sur l’autel de la minceur. Peut-être que, bientôt, le mobile ultra-fin sera la nouvelle métaphore du progrès : plus on cherche à épurer l’objet, plus on retire l’essentiel, jusqu’à ne laisser qu’une vitrine de promesses… vides.
Rendre la tech plus « simple » ne signifie pas la rendre plus « accessible »… ni plus intelligente.
Pendant ce temps, à distance respectable de ce balai des apparences connectées, Meta tente de vendre ses lunettes Ray-Ban en Inde (sans parler aucune langue locale) : le spectacle de la mondialisation accélérée, où l’on confond « conquérir » et « s’adapter », est savoureux. Les chemins de la technologie convergent tous aujourd’hui vers cette promesse d’immédiateté, à l’image des IA de Microsoft Copilot, de la cartographie intelligente d’AllTrails (qui veut devancer Apple sur les sentiers…), ou de drones DJI toujours plus puissants (mais pas pour tous). Et si la fusion nucléaire promet demain une énergie propre et infinie, son rêve de « break-even » reste pour l’instant aussi tangible qu’un nuage jovien, quelque part entre promesse marketing et vrai saut civilisationnel.
La morale du moment ? Dans cet univers où la couche logicielle empile les innovations sur le hardware toujours plus fin, c’est souvent la connexion qui craque. Accessibilité, inclusivité, intelligence ambiante : chacune se dit universelle, chacune invente sa déclinaison d’un quotidien « simplifié ». Mais le fil rouge reste celui de l’adaptation : la technologie, pour exister, devra vraiment sortir de la posture pour épouser la diversité radicale de ses usages. Sinon, le gap entre ceux qui encaissent la vague et ceux qui surfent en tête ne fera que s’élargir, malgré toutes les promesses d’ouverture. En 2025, l’innovation n’est pas dans la finesse d’une coque ni dans la couleur d’un label, mais dans la capacité à faire place à tous les usages réels — et pas qu’à ceux que l’on rêve dans une keynote.