Données captives, libertés verrouillées : la Silicon Valley brevète la dépendance

Illustration originale : Evan Iragatie / Flux

Edito
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Données captives, libertés verrouillées : la Silicon Valley brevète la dépendance

Cette semaine dans l’actualité tech, difficile d’ignorer l’impression d’assister à une généralisation du verbe “verrouiller”. Plus personne ne se contente de simplement innover ; chaque nouvel outil, app ou système semble désormais conçu pour rendre captifs ses utilisateurs, parfois sous les oripeaux de la “liberté” ou de l’“efficacité”. Il y a une certaine ironie à voir Meta claironner avec Edits la libération du montage vidéo, pendant que Google inonde le marché de millions pour que Gemini devienne l’incontournable IA de poche sur nos terminaux. Pendant ce temps, Nintendo, qui a toujours su jouer de la rareté, transforme ses précommandes de la Switch 2 en une loterie digne des Hunger Games, réservée aux joueurs les plus “éligibles”. La liberté, dans la tech, serait-elle devenue aussi exclusive qu’une chambre VIP sous surveillance algorithmique ?

Le mirage de l’ouverture n’a jamais été aussi lisse – ni aussi opaque. Chez Meta, l’export sans watermark et la compatibilité trans-plateforme d’Edits deviennent les nouveaux passeports pour la “créativité sans frontières”, mais sous l’œil d’un Instagram prêt à rendre payante la moindre transition. Google, de son côté, ne se contente plus de vendre des pubs : il installe de force Gemini sur nos Samsung, non pas parce qu’on l’attend, mais parce que personne n’a le choix (des milliards en jeu, et tant pis pour l’innovation réelle). Cette guerre de l’attention et du contrôle s’infiltre aussi jusque dans la santé : la startup Superpower fait du checkup sanguin une nouvelle frontière numérique, où le scoring de vie privée, passé à la moulinette de l’IA, promet de yougamifier le suivi médical. On se surveille, on s’entraide en “collab”, mais, in fine, qui possède les clés ?

Dans cette valse des plates-bandes, chaque app devient son propre petit royaume, sanctuarisé derrière ses badges, ses accès, ses IA “bienveillantes” ou ses bonus affiliés. Bluesky annonce en fanfare la décentralisation de la vérification, mais la réalité reste un club réservé à quelques élus, choisis par un aréopage opaque de “trusted verifiers” – on échange l’arbitraire de l’ancien monde contre l’ambiguïté du nouveau. Uber et Delta, eux, refaçonnent la fidélité à coups de cross-selling automatisé : on ne voyage plus, on migre dans des parcours balisés, cumulant les miles comme on collectionnait jadis les cartes Pokémon – et gare à celui qui voudra jouer hors-réseau, il se heurtera à un mur d’interopérabilité verrouillée.

A trop parler d’écosystèmes ouverts, la tech semble avoir inventé des jardins plus clos encore que jamais, où la clé du portail se paye au prix fort – en données, en attention, ou en cash.

Est-ce si surprenant si les adolescents – cibles de prédilection de ces mécaniques – se prennent la vague d’un numérique à double tranchant ? Les plateformes sociales sont à la fois des refuges d’expression (quand on a le bon badge ou la “main verte” d’un algorithme), et des pièges à engagement qui laminent sommeil, santé mentale et sens critique. Le paradoxe est saisissant : alors que la promesse originelle d’Internet était l’émancipation, le parcours utilisateur ressemble désormais à un “parcours de fidélisation”, où chaque pause ou déconnexion relève de l’acte de résistance. Silicon Valley, tu as beau te dorer la pilule en vantant la “prochaine frontière”, n’est-on pas déjà bien au-delà du simple outil ? Le digital est devenu la matrice de nos vies quotidiennes, et la lutte pour l’accès, la sécurité ou la vérité n’aura bientôt plus besoin d’écran pour se jouer.

À observer les phénomènes récents, une idée se dessine : la technologie moderne est en train de breveter la dépendance, version premium. Les “super-apps” promettent la santé, la créativité, le transport et les badges de respectabilité, mais chaque avancée s’accompagne de son lot de verrous, d’obligations, de restrictions, derrière la promesse de nous rendre “super-héros”. Reste à voir qui, du citoyen-utilisateur ou des firmes omniprésentes, saura un jour forcer la serrure de ces nouvelles “libertés” numériques, histoire de rendre la clé de la maison à ses légitimes habitants.

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