À l’ère où tout — du paiement sur console à la détection de bruits suspects au pas de la porte (merci Arlo et son IA de surveillance domestique) — passe par la magie de l’automatisation, l’humanité semble avoir fait son choix : pourquoi s’embarrasser d’un monde complexe quand on peut tout déléguer à la technologie et se contenter de scanner un QR code entre deux parties de RPG ? L’intégration d’Apple Pay sur PS5 le prouve : le confort, c’est d’acheter un DLC sans décrocher la manette, idéalement avant même d’avoir rencontré le premier boss — qui, vous l’aurez compris, sera bientôt votre banquier.
Ce glissement du réel à l’automatique ne concerne évidemment pas que les gamers. La médicalisation dématérialisée n’est pas en reste : la Teal Wand, arme ultime du dépistage HPV à domicile, promet d’ici peu à la prévention d’atteindre le niveau du « plug-and-play ». Scanner, prélever, poster, analyser — tout ça sans croiser un médecin. Le vrai risque n’est pas tant de rater le geste, mais de confondre la santé publique avec l’achat en ligne d’un skin Fortnite. À force, même le papillomavirus risque d’être notifié par une app mobile avec cashback intégré.
À l’autre bout du spectre, les champions de l’intelligence artificielle industrialisée — coucou OpenAI et Google qui ne digèrent plus leurs keynotes sans IA — imposent un rythme à la société où tout devient question de coût, d’automatisation et d’omniprésence algorithmique. L’IA — arme de destruction massive de la friction — assure le back-office de nos existences ; de la rédaction de mail au tri de vidéos de surveillance, elle trie, trie, trie… mais qui choisit ce qui est important pour nous ? Sûrement pas nous, pauvres mortels perplexes devant la multiplication des notifications, des invitations et des menaces de phishing sur Threads ou WhatsApp.
Automatiser l’humain en toute circonstance, c’est surtout lui apprendre à ne plus se méfier de l’automate.
L’ironie veut que, pendant que l’on parade avec son NUC d’Asus taillé pour l’IA mais incapable de faire tourner un simple AAA digne de ce nom, les fondateurs transhumant entre TechCrunch All Stage, les meetups de la vieille Europe, et les levées de fonds à la mode « multi-joueurs » s’accrochent désespérément au mythe du fondateur visionnaire. Mais qui construit vraiment l’avenir ? Le builder qui automatise tout (même la détection de vos aboiements), le géant qui promet la confiance avec un accord à un milliard de dollars versé pour acheter notre vie privée, ou la startup qui promet la réalité augmentée mais rêve surtout de contrôler nos données via ses propres puces sur mesure ?
À force de confier nos réflexes, nos choix et même nos angoisses à de nouveaux chamans numériques, la question n’est plus de savoir si la technologie va trop loin, mais bien si nous avons encore la moindre envie d’en garder le contrôle, ne serait-ce que pour décider, un jour, ce qui doit vraiment rester manuel — ou humain. Dans cette course folle à l’abolition du réel, le dernier à scanner gagne peut-être… le droit de penser tout seul. Pas sûr que le QR code soit lisible.