Roulez petits bolides, cliquent les montres, vibrent les bases de données, et sonnent les IA: cette semaine, impossible d’ouvrir un onglet sans se prendre une bourrasque de “révolution” algorithmique – et pourtant, la société technologique surfe toujours sur ses vieilles contradictions. Entre la nouvelle ère annoncée à Google I/O 2025, l’offensive énergique de Toyota sur le marché US de l’électrique, ou les IA qui colonisent notre sommeil, le buzz du mois pourrait se résumer ainsi : la mobilité est partout, mais la cohérence n’est nulle part. On nous promet sobriété, inclusion et résilience, mais la taxe à l’obsolescence et la course à la hype n’ont jamais été aussi féroces.
Le bal des paradoxes s’invite jusque sous les couettes connectées : pendant que Eight Sleep vend le rêve d’un Pod 5 qui veille sur vos ronflements à prix d’or, Tensor9 jure la main sur le cœur que l’avenir de l’IA dépend de la souveraineté locale (l’IA chez vous, mais pas chez tout le monde). Et si chaque startup fait son cirque en prétendant tout réinventer – lumière, bruit, sommeil, productivité –, chacune s’attaque plus ou moins frontalement à la même angoisse : la perte de contrôle et la dilution de l’identité, qu’elle soit personnelle, industrielle ou culturelle.
La pseudo-démocratisation qu’on nous ressert à toutes les sauces atteint chaque segment du numérique : création musicale “dans la poche” via Stability AI, bases de données Postgres qui se clonent plus vite que leurs utilisateurs humains (Databricks & Neon), montres censées réinventer notre rapport au temps (encore une montre au poignet, et alors ?). Mais, dans cet océan d’assistants IA, widgets de productivité, et promesses de nuit réparatrice, la frontière entre “empowerment” et asservissement devient poreuse. Quel sens garder si chaque micro-amélioration coûte toujours plus d’autonomie – et d’argent ?
Sous couvert d’innovation, la tech se rêve en déesse omnisciente, mais c’est souvent dans la fuite en avant qu’elle perd le fil.
Tandis que la Silicon Valley s’auto-congratule à coups de levées de fonds pharaoniques, Toyota, Lucid et le supersonique américain réinventent la roue en promettant aux masses un avenir propre… pourvu qu’elles aient le portefeuille d’Elon Musk. Partout, les mastodontes comme Google s’agitent, pressés de vernir d’IA la moindre fonction (même le bouton “J’ai de la chance” devient suspect : encore une IA, mais pour qui, pourquoi ?). Même les pauses-café sont désormais gérées par des agents IA dans le cloud.
À force de prêcher l’ubiquité du progrès, la tech s’attaque à la fois à notre sommeil, notre musique, notre mobilité et notre souveraineté – tout en promettant à chaque minorité instit’ sa petite révolution privée. Mais le vrai défi reste entier : savoir donner du sens à la profusion, et retrouver le goût de la frugalité dans un monde qui confond vitesse et précipitation. Le prochain “Game changer” ? Il ne viendra sans doute pas d’un nouvel algorithme, mais bien d’un collectif prêt à penser, pour une fois, la technologie non comme un superpouvoir, mais comme un service enfin à la mesure de nos vrais besoins.