Rien ne vaut la douce ironie d’une semaine où la technologie essaye de montrer qu’elle résout des problèmes qu’elle a elle-même créés. Apple libéralise enfin notre bouton Snooze alors qu’elle verrouille en même temps nos ados sous supervision parentale, tout en promettant – la main sur le cœur de Cupertino – qu’iOS 26 sera la clé d’un quotidien apaisé, fluide et intelligent. À quel moment toute cette modernité devient-elle simplement une ingénierie de la frustration, suivie du petit plaisir de la résoudre moyennant une mise à jour annuelle ?
C’est un drôle de paradoxe que nous servent ces géants de la tech : d’un côté, la sophistication vertigineuse avec l’Apple Intelligence qui se pavane comme le nouveau nectar de la productivité, le screenshot intelligent qui promet de lire nos pensées à travers nos captures d’écran (visual intelligence, vraiment ?), et, de l’autre, la bonne vieille obsolescence qui condamne nos « vieux » appareils à la préhistoire logicielle (iOS 26 et l’exclusion tranquille). Où finit la promesse d’un usage sur-mesure et où commence l’injonction à la consommation déguisée sous des GIFs fun et des Genmojis bariolés ?
Mais l’innovation ne se limite pas à la pomme : pendant qu’Apple tente de solidifier ses légumes dans la salade numérique, les petits Européens de Multiverse Computing inventent une technologie de compression IA qui pourrait faire tourner ChatGPT sur un grille-pain, et que Waymo démontre qu’on peut être un robotaxi et ruiner le rêve de la mobilité autonome bon marché (l’autonomie coûteuse). Même la bicyclette connectée fait sa révolution : antivol en béton, guidon bloquant, et GPS omniscient (Olto). Tous veulent nous offrir plus de contrôle, alors qu’en réalité ils resserrent doucement la mainmise sur nos habitudes et nos choix – jusque dans nos rêves, minutés au snooze près.
Au pays des gadgets, c’est toujours la promesse d’autonomie et de libération qui fait la pub – alors qu’elle nous installe joliment dans un nouveau club d’abonnés vulnérables.
Cela va plus loin : la sécurité ? Fragile, à en croire les failles iOS qui transforment nos téléphones en chevaux de Troie, espionnant journalistes et citoyens avant que Cupertino ne communique à demi-mot (les failles iOS). L’intelligence ? Déléguée à OpenAI pour embellir les captures, imaginer des images jamais dessinées (Playground et ChatGPT), voire répondre à vos sondages dans Messages. Même fêter les pères devient un service d’abonnement, histoire de faire briller Papa à table sans se salir sur un barbecue (MasterClass), là où la parentalité s’exerce maintenant par le biais d’options PermissionKit et d’algorithmes de limites de communication (controler l’adolescence).
Nostalgique du soleil, on pourrait croire que la vérité se trouve en dehors de nos écrans : la Solar Orbiter, elle, débrouille patiemment la météo spatiale avec des selfies polaires (Solar Orbiter), rappelant que derrière l’individualisation extrême du smartphone il y a l’humilité face à un chaos magnétique universel – et que nos cycles de hype ou de désenchantement tech ne sont rien face à ceux du cosmos. Peut-être faudra-t-il, comme toujours, laisser mûrir le code et apprendre à différencier progrès et poudre aux yeux. Pour l’instant, la technologie promet de tout faciliter : choisir son réveil, sa sécurité, son image et son moyen de transport… Mais au fond, c’est surtout la définition même de la liberté numérique qui change, une minute Snooze personnalisable à la fois.