Longtemps, l’humain a eu pour rêve d’apprivoiser le chaos, que ce soit la météo, la productivité — ou même l’amour. À moins qu’il ne cherche simplement à injecter de l’intelligence (naturelle ou artificielle) là où la nature fait défaut. Quoi de commun, pensez-vous, entre un drone qui sème la pluie, un navigateur qui prétend organiser notre vie, des IA qui veulent résumer tous nos meetings et des applications de dating qui misent sur la recommandation sociale ? Tout, justement : le soupçon d’un monde où plus rien ne s’improvise, où l’aléatoire est dévoré par l’algorithme.
Regardez Goodnotes : ce simple carnet numérique a muté en une hydre collaborative dopée à l’IA, promettant de régler nos réunions à coups de résumés automatiques et de transcriptions ingénieuses. Mais ne s’agit-il pas de la même quête qui pousse Opera Neon à transformer nos navigations web en chorégraphies orchestrées par des “Cards” d’intelligence artificielle ? Chacun de ces outils caresse la promesse du “tout-inclus”, du “cloud personnel” où chaque tâche se conjugue sans effort — quitte à nous noyer sous l’option et écraser la vie improvisée sous le rouleau compresseur de la productivité assistée.
Derrière cette productivité numérisée, la bataille de l’attention s’accélère : la DevDay d’OpenAI s’annonce comme un show de lumière, alignant ambitions, gadgets et “App Stores” pour IA comme autant de planètes en orbite autour du soleil Sam Altman. Que l’on soit chez Box, où l’art du pivot est valeur suprême, ou chez Rainmaker, où la météo s’écrit désormais par drone interposé, la règle est partout la même : l’innovation ne tolère plus qu’on l’ignore. Jusqu’à contaminer nos rapports humains, comme le dating repensé de Cerca, qui rêve de remettre l’humain au cœur d’une machine soigneusement huilée.
Entre IA collaboratives et pluie provoquée sur commande, la tech ne veut plus seulement accompagner le monde : elle ambitionne d’en écrire les scénarios, jusque dans nos émotions et nos nuages.
Mais sur cette route pavée d’algorithmes, il y a embouteillage : qui pourra naviguer à vue entre interfaces surchargées, régulations vacillantes et promesse d’un monde ordonné jusqu’à l’ennui ? La spectroscopie galactique qui tente de saisir l’air insaisissable de TRAPPIST-1e, tout comme le consentement indispensable dans le matchmaking ou l’IA responsable, pointent tous vers la même question : l’inconnu, le mystère et le hasard ont-ils encore droit de cité derrière les rideaux automatisés de la tech de 2025 ?
Si chaque solution technique aspire à rationnaliser l’incertain, que restera-t-il de la surprise — de cette “pluie” que personne, sauf la FAA ou Rainmaker, ne peut prédire ? De la prise de notes freestyle au flirt aléatoire, en passant par les nuages célestes ou artificiels, c’est notre goût de l’imprévu qui vacille. Mais au prochain bug, blackout ou coup de foudre, peut-être réapprendrons-nous à nous réjouir du chaos : ce dernier logiciel, décidément indéfrisable.




