Le monde numérique ressemble de plus en plus à une vaste cour de récréation surveillée par des super IA, sauf qu’ici, les cancres piratent les systèmes scolaires, les cars scolaires roulent à l’électricité et la maîtresse a été remplacée par un assistant vocal qui signale vos pauses pipi aux assureurs santé. Toute l’actu de la semaine transpire cette ambiance de surenchère algorithmique où le hack d’un logiciel de notes PowerSchool côtoie le fantasme de lunettes intelligentes, l’IA de Google investit dans la pub contextuelle, et Mistral tente de coder le futur à la pelleteuse open source. Ces histoires, prises séparément, pourraient faire un énième épisode de Black Mirror ; ensemble, elles dessinent le patchwork baroque de notre grand cirque connecté, où chacun veut vendre — ou revendre — un petit bout de votre vie.
Quelle ironie : pendant que l’on s’extasie devant les prouesses des assistants vocaux qui promettent d’humaniser la voiture (Volvo & Google avec Gemini) ou d’habiller nos lunettes d’une IA « fashion » (Google x Warby Parker), les vraies failles du système ne se trouvent plus dans le code, mais dans la paume de main d’un adolescent armé d’une vieille base de mots de passe, ou dans la corruption d’un salarié du support client (Coinbase). Sécurité, éthique, privacité : l’époque où ces concepts étaient la chasse gardée des experts est révolue. Ce sont aujourd’hui les outils du quotidien — la gestion de classe, le e-commerce (Shopify), le suivi santé (Oura) — qui les manipulent avec une désinvolture désarmante, nous rappelant au passage que la prochaine attaque viendra peut-être du frigo connecté plutôt que d’une armée de hackers russes.
Que dire de l’IA ? Flatterie suprême, elle est désormais le moteur d’une monétisation sans fin, infiltrant non seulement la recherche Google avec des pubs si « pertinentes » qu’elles risquent de déformer la notion même de vérité, mais aussi la création d’assistants qui automatisent, « personnalisent » à la chaîne à coups de prompts. Où commence la créativité, où finit la standardisation générée par l’IA ? Chez Shopify, la frontière s’efface derrière le vernis d’une boutique en un clic, tandis que Google surfe sur la mode du « modèle ouvert » (Gemma), qui n’est ouvert que tant qu’il sert la vision du géant et ne coûte rien côté contrôle.
Derrière la promesse d’un monde piloté par l’IA, le véritable bug reste humain : l’envie de tout automatiser… ou de tout faire sauter pour un peu de pouvoir ou quelques millions.
À travers cette surenchère de gadgets et de modèles, on en oublierait presque que l’histoire de la tech n’est qu’un éternel recommencement : la Google Glass, jadis risée publique, renaît sous une flopée de partenariats chics ; les enfants prodiges du hacking éducatif troquent la craie pour de la cryptomonnaie ; la data, cet or numérique, sert de rançon ou de carburant au moindre Assistant ou tracker sportif. On s’interroge alors : qu’avons-nous gagné ? Le confort d’un choix assisté par IA ou le vertige d’une hyper-personnalisation qui n’est que l’illusion du libre-arbitre ?
L’avenir proche ressemble finalement à une jungle où chaque avancée technologique te balance entre sécurité, flicage subtil, et dopamine instantanée — parfois tout cela à la fois. Alors, qui saura dompter cette grande fête foraine de l’innovation ? Le cyber-hacker scolaire, la start-up IA aux faux airs de Robin des Bois, ou au fond, cet éternel individu connecté, qui hésite en achetant son MacBook entre besoins, envies et peur de manquer la « prochaine » révolution ? La partie, elle, ne fait que commencer.