« Claude, Dave, Charlie… et si vos collègues n’étaient plus que des lignes de code ? » Voilà le genre de questions existentielles qui vous traversent l’esprit quand vous bossez dans la tech en 2024. Parce que désormais, l’intelligence artificielle se décline aussi sous forme de « collègues » aux prénoms rassurants. Exit le robot flippant, bonjour Claude l’IA sympa qui ne vous pique presque jamais votre place à la machine à café.
Cette mode a tout d’une brillante stratégie marketing. Dans cet univers où chaque nouvelle embauche relève du casse-tête, les startups préfèrent vous vendre un « Devin, développeur AI » qu’un SaaS lambda. Leurs arguments ? Un assistant qui ne bronze jamais, un « employé » qui ne manque jamais une réunion, et surtout, qui ne vous réclamera jamais d’augmentation. Grâce à ces agents virtuels made in Y Combinator, on nous promet la fin des galères de recrutement… et le début d’une nouvelle ère où votre principal rival est un script python.
À l’aise avec leurs intentions, certains startups y vont carrément franco : Atlog, par exemple, propose une IA gestionnaire de magasins de meubles, capable de tout faire, du paiement au marketing. Un bon manager humain peut gérer 20 boutiques assisté d’elle… ce qui soulève une petite question : les 19 autres, on en fait quoi ? (On vous laisse deviner s’ils sont recasés au rayon literie ou non).
Sous ses dehors amicaux, l’IA dévoreur d’emplois se fait passer pour votre collègue préféré — jusqu’à ce que vous deveniez sa prochaine mise à jour.
Mais cette personnification ne s’arrête pas au B2B. Les apps grand public jouent aussi la carte du prénom attachant : Claude, c’est le confident numérique avec qui partager vos secrets… sans trop penser que c’est juste un tas d’algorithmes qui passe votre vie à la moulinette. Et franchement, qui préférerait confier ses données à un « Prédécesseur de modèles génératifs » plutôt qu’à Claude, BFF virtuel du moment ?
Derrière le vernis, c’est l’étincelle d’un malaise bien réel qui miroite : chaque nouveau pseudo-collègue numérique rapproche un peu plus notre monde de la science-fiction. Souvenez-vous de HAL dans 2001, L’Odyssée de l’Espace : une voix douce, un sourire digital… et hop, il coupe l’oxygène. OK, chez Anthropic, on nous promet que Claude ne deviendra (presque) jamais menaçant. Mais vous savez ce qu’on dit sur les promesses des IA…
Signe des temps, les chiffres ne mentent pas : 1,9 million d’Américains touchaient des allocations chômage mi-mai, record depuis 2021, beaucoup d’entre eux exilés malgré eux du secteur tech. Et si l’on en croit Dario Amodei, patron d’Anthropic, la fête ne fait que commencer : « D’ici 1 à 5 ans, la moitié des jobs “cols blancs” débutants pourraient disparaître. » Si vous n’y croyez pas, rassurez-vous, vous n’êtes pas seul — jusqu’à ce que le Claude de votre boîte commence à s’improviser manager de vous-même.
Alors, faut-il pour autant jeter le bébé IA avec l’eau du bain de serveurs ? Pas forcément. Le problème, ce n’est pas l’outil, c’est la façon dont on en parle. « Mainframe », « workstation » : à l’époque, personne n’essayait de nous faire croire que notre PC était notre collègue préféré. Aujourd’hui, en recouvrant de prénoms humains des remplaçants virtuels, les entreprises brouillent les pistes… et c’est notre boulot à tous qui se volatilise dans le cloud.
Morale de l’histoire : la prochaine fois qu’on vous annonce l’arrivée d’un nouvel « employé » AI, vérifiez bien sa fiche de paie. Ce serait ballot de finir payé en crypto-cawa.
Source : Techcrunch