Parfois l’industrie techno ressemble à une course de Formule 1 où tout le monde appuie sur le frein en même temps… sauf le marché de l’intelligence artificielle qui, lui, oublie qu’il y a un volant. Tandis que Tesla fait rouler ses Model Y en robotaxi à Austin mais se refuse encore à lever complètement les mains du volant (et du « Safety Monitor »), l’autre peloton de tête, ce sont les start-up IA façon Thinking Machines Lab qui lèvent des milliards sans même dévoiler leur véritable trajectoire. Pourtant, ce n’est plus le moment de rouler sans permis : tous les géants – Apple le premier avec son flirt à la Perplexity AI – cherchent désormais la bonne IA sous le capot, tantôt pour révolutionner leur moteur de recherche, tantôt juste pour écraser la concurrence (ou parader sur la ligne de départ).
Mais l’intelligence (artificielle ou pas) n’est rien sans un bon marketing, et ici, Amazon pulvérise tous les records d’endurance. Entre Prime Day en mode feuilleton et bundles WH-1000XM6 chez Sony qui camouflent la hausse de prix sous 30 malheureux dollars de carte cadeau, la fête de la techno se transforme en kermesse d’algorithmes qui traquent vos fantasmes de promo jusque sous votre lit. Les coups de théâtre tombent par e-mail, pressent sur l’achat impulsif, et le suspense, cette année, c’est surtout de savoir si ce n’est pas Amazon qui va finir par vous livrer… du vide.
Au final, même le divertissement n’échappe plus au croisement des genres : les indés nettoient, draguent et marquent l’été à coups de lancers improbables et de romance avec votre balai (Plein les Indies). Remedy délaisse la magie narrative pour les missions chorégraphiées et laborieuses de FBC: Firebreak, prêt à sacrifier l’âme de Control sur l’autel du multijoueur « efficace ». L’innovation ne brille plus uniquement par sa capacité à étonner, mais se voile désormais d’une complexité marketing où expérience utilisateur rime avec friction et « bundle » promotionnel, au détriment du vrai progrès.
Le progrès technologique avance, mais il aime s’habiller des oripeaux rassurants d’un storytelling ou d’un rabais bien calculé.
La nostalgie analogique, elle, s’affiche toujours en résistance dans cet univers : Paul Pope, guerrier du trait et de la matière, tente de rebâtir son identité créative face à la montée des algorithmes — tout en admettant, résignés, qu’on ne peut totalement se passer du numérique. N’est-ce pas là aussi le paradoxe de l’époque, où l’on encense l’éloge du « fait main » alors que le secteur s’apprête à l’avaler tout cru via Marvel et ses IA ? Là où Pope cherche l’étincelle propre à l’humain, Apple elle-même hésite entre l’achat de talents et l’intégration de Perplexity, consciente que l’originalité ne se rachète pas sur étagère.
On comprend alors que derrière chaque innovation annoncée tambour battant, chaque deal vendu à coup de minuteur et chaque start-up adoubée par les investisseurs, il y a la même grande question : cherchons-nous l’étincelle qui bouleverse, ou simplement le confort de la répétition emballée pour « frissonner » une fois de plus devant un faux suspense ? La technologie avance à reculons, parfois prudente comme une Tesla dans le crachin texan, parfois ivre de sa propre complexité, mais elle oublie souvent la boussole humaine au vestiaire. Si la lune continue ses cycles sans jamais décroître, l’innovation, elle, gagnerait peut-être à se souvenir que briller dans l’obscurité exige plus qu’une LED sur un casque à 450 dollars.