Cette semaine, le monde de la tech ressemble à une immense partie de Jenga où chaque innovation, chaque annonce, chaque révolution annoncée déplace la pièce qui fera peut-être s’écrouler la tour numérique sur laquelle repose notre confort (et parfois, nos illusions). À observer l’actualité, un constat s’impose : industrie du jeu vidéo, streaming en pleine mutation et IA omniprésente, tout le monde veut changer les codes, mais chacun copie joyeusement son voisin. On célèbre le « Girl Power » des studios de jeux women-led, on s’épate d’un festival indé qui refuse le déjà-vu, et pendant ce temps, Twitch bascule dans le mode TikTok pour ne pas finir comme MySpace… C’est la foire à l’émancipation, mais à l’heure du copier-coller généralisé, où se loge l’étincelle vraiment nouvelle ?
Le gaming, d’abord, s’offre une mise à jour féministe en vitrine, avec un Women-Led Games Showcase au Summer Game Fest et le battage qui va avec. On en oublierait presque que l’autre grosse tendance, c’est la « stratégie du petit » : Day of the Devs, ou comment l’indé, armé de son canard facétieux ou de sa fermière immortelle, peut rivaliser de créativité sans la machine à cash. Dans ce paysage, même Twitch se pose la question de l’authenticité : faut-il singer TikTok à coups de formats verticaux pour rester pertinent, ou garder son âme de gamer pur jus ?
L’innovation, elle, ne veut plus juste distraire. Elle s’immisce dans la voiture autonome, le streaming, la création vidéo, tout en envahissant votre smartphone à la faveur de Google AI Edge Gallery (on vous glisse l’IA en douce hors du cloud, direct dans la poche, ni vu ni connu). Pendant ce temps, la législation sur la mobilité autonome ne dépend plus des experts mais du lobbying d’Elon Musk (avec ou sans volant, c’est lui qui tient le gouvernail). Et dans les coulisses du capitalisme numérique, la démocratie s’invite ironiquement dans les conventions tech, mais à condition que ce soit pour entériner les choix de l’élite (TechCrunch Disrupt valide, le public applaudit).
Pas de techno-carnaval sans guitare remixée : tout le monde joue la partition du renouveau, mais qui écrit la mélodie ?
Dans ce grand remix planétaire, impossible de faire l’impasse sur l’ogre IA (qui promet tout mais mange d’abord votre portefeuille) et l’incroyable appétit des plateformes à capter, digérer et recracher vos données à la sauce open source, abonnement annualisé ou cloud privatisé. Les VPN veulent protéger ce qui peut l’être encore (testés, notés, mais jamais parfaits), et le streaming se met à brader le prix de l’entrée en se rêvant pivot culturel (merci Peacock !). Chaque secteur prêche l’innovation radicale, mais la recette, elle, tend à se répéter : app mobile, check ; IA, check ; verticalisation, check ; modèle d’abonnement, double check.
On voudrait croire à un âge d’or où la technologie libère, diversifie, démocratise. Mais sous les paillettes – et la course pour un million de Terriens sur Mars n’y change rien (Elon rime avec le rouge mais pas toujours avec le neuf) – on sent bien que c’est la vitesse de réaction qui prime sur la rupture authentique. À force de chercher le prochain blockbuster, la prochaine interface ou la prochaine promesse d’égalité, ne risquons-nous pas de finir dans une boucle infinie de réinvention en trompe-l’œil ? Le spectacle sera assuré, reste à savoir si on achète vraiment un billet pour le futur… ou pour une énième rediffusion.