À l’heure où chaque clic semble décider du destin du monde, on ne sait plus très bien si un événement vidéoludique comme le Summer Game Fest est la grand-messe que l’on idolâtre ou le reflet de notre dépendance à la dopamine algorithmique. À Los Angeles, la grand’messe de juin promet encore plus de blockbusters, d’éditeurs suréquipés en stratégies omnicanales et de community managers prétendant, la main sur le cœur, “parler vrai” au public. Pourtant, cette accumulation d’annonces, de surprises calculées et de hype rivalise désormais avec l’overdose informationnelle servie par des IA qui résument nos mails sans qu’on les ait appelées. Le Gaming, le streaming TV et la tech grand public se disputent la camisole de l’attente numérique, envoûtant leur clientèle avec une obsession : rester branchés, mais à quel prix intellectuel… et financier ?
Si les joueurs s’échinent à décrypter qui sera la prochaine idole des reveals, les autres consommateurs, eux, s’arrachent les cheveux devant le comparatif annuel des tablettes (est-ce qu’une tablette “suffit” ou n’est-elle qu’un gadget de plus ?). Le même cirque se joue sur le front du streaming TV : la promesse de l’alternative au câble s’est dissoute dans la multiplication des abonnements, tandis qu’au rayon matériel, on nous vend la révolution… qui finit attachée à une promo Apple planquée chez Amazon (croquez la pomme, mais gare à l’indigestion). Nouveauté, simplicité, économie et sécurité ? Le marketing a tout verrouillé, enrobant l’utilisateur dans un cocon doux et payant, où chaque “choix” est balisé par un effet d’annonce, une exclusivité ou une réduction sous conditions.
Mais la vraie partie se joue plus bas, dans l’invisible. Les VPN s’habillent en armures parfaites pour rassurer les internautes effrayés par la visibilité redoutée de leurs datas — sauf qu’au jeu des promesses, difficile de trier le bon grain de l’anonymat numérique du superflu commercial (ExpressVPN contre la horde des VPN “ultra sécurisés” made in storytelling). Même las d’habitudes gagnant-gagnant, certains consommateurs voient dans ces nouvelles offres, packages anti-virus inclus, la bouée de sauvetage d’un internet plus sûr… alors qu’ils nagent souvent en eaux troubles (enquête sur l’envers des VPN). Pendant qu’on ressasse la révolution des usages, la cyber-infrastructure du pouvoir, elle, montre ses failles. À la Maison Blanche, un smartphone personnel hacké et une voix clonée grâce à l’IA rappellent que même l’élite flotte sur le même radeau troué que le “lambda” connecté (cybersécurité présidentielle, vraiment ?).
La technologie promet tout : la protection, le divertissement, la liberté de choix, mais elle transforme surtout nos existences en une vaste loterie algorithmique où la vigilance devient aussi rare que la vraie innovation.
L’illusion de la rationalité technologique s’effondre régulièrement… et l’IA, qu’on enfourche dans tous les sens pour résumer, automatiser, filtrer, semble plus souvent engendrer des biais, des bugs ou des mirages rassurants (Gemini résume vos mails… et vos illusions). Au volant, Google Maps vous mène en bateau et paralyse un pays entier pour une erreur d’algorithme — l’Allemagne, pionnière de l’ordre, devient laboratoire des bugs mondiaux (peut-on encore faire confiance à la carte ?). Tout cela traduit une société qui, croyant s’augmenter via le numérique, s’en remet à une poignée de géants, d’algorithmes et d’événements “incontournables”, qui dictent l’accès à la nouveauté autant qu’à l’erreur collective.
Alors, dans cette grand-messe estivale où annonces, innovations supposées et hausses de prix s’entrelacent, la vraie question n’est plus de savoir si vous choisissez la meilleure tablette, l’abonnement TV le plus rentable ou le VPN le plus blindé. Elle est de mesurer combien d’autonomie réelle nous laissent les machines et marchés qui prétendent nous simplifier la vie. Qui, de l’utilisateur, du GAFAM ou de l’illusion numérique, sortira vraiment gagnant de ce bal tragiquement connecté ?