Un jour, la technologie prétend sauver le monde, le lendemain elle se rêve arbitre de nos vies personnelles, et toujours, elle tremble sous le poids de ses propres bugs et scandales. Entre rachats à coups de milliards (Snowflake/Crunchy Data, Scale AI/Pesto), événements spectaculaires (TechCrunch Sessions: AI, Summer Game Fest), et innovations annoncées en fanfare (Apple et Samsung à la manœuvre côté IA), la Tech nous promet tout, partout, pour tous, tout le temps. Mais sous ce vernis de progrès, se cache une réalité bien plus complexe : celle d’un monde où la donnée, l’image et la promesse deviennent la nouvelle monnaie du marché des illusions — et des désillusions.
Alors que la startup Crunchy Data fond tranquillement dans le nuage Snowflake, l’IA s’installe partout — jusque dans le recrutement avec Pesto AI, absorbée illico par un géant de la labellisation automatisée. Les bases de données deviennent le terrain de chasse privilégié des licornes, car, à l’heure des Claude et consorts, chaque octet se doit d’être crunché, catalogué, exploité. Mais cette frénésie fait sourire : alors que l’on recrute déjà « Dave l’agent virtuel » plus vite qu’un junior RH, il ne resterait bientôt plus qu’à automatiser l’achat du cadeau de la fête des pères… au passage, n’oubliez pas d’acheter connecté, ni de monitorer ses performances en pas (Apple Watch 10), ni, surtout, d’opter pour des écouteurs premium, testés, approuvés, et fort bien marketés.
C’est là que la Tech dévoile son génie du spectacle : game fests proprets et greenwashing 2.0 se disputent la palme de la vertu sur Twitch, tandis que Netflix achève de sacrifier toute spontanéité artistique sur l’autel de l’événementiel bien séquencé (épisodes découpés pour maximiser le binge). Apple fait la roue et promet à la WWDC une refonte si cosmétique qu’elle donnerait presque envie de regretter l’époque où un Mac était un Mac, un iPad une tablette, et iOS un système fermé — mais uni, enfin, dans la ligne droite du marketing calculé. Au même moment, Elon Musk, expert du contre-pied, déclare vouloir s’éloigner de la politique tout en restant le fantôme omniprésent du pouvoir et de l’innovation, manipulant événements et algorithmes comme bon lui semble.
La tech sculpte des révolutions de surface : partout spectacle, nulle part profondeur, et surtout, toujours une notification à vendre.
Et c’est bien le fond de l’affaire : les plateformes comme Character.AI expérimentent joyeusement la viralité IA, tout en tentant de rassurer sur le contrôle d’images et de contenus. Partout la data circule, parfois à l’insu de ses propriétaires (merci, Vanta : bug ou fonctionnalité, peu importe tant qu’il y a du capital), pendant qu’un vent de disruption souffle sur les arènes de la startup nation. Mais la défiance grandit : qui croit encore à la magie d’une IA qui sauvera à la fois l’emploi, la planète et le barbecue familial ? Qui ose encore se faire l’apôtre des promesses connectées, alors que le bug, l’obsolescence et la récupération commerciale sévissent dans tous les coins du cloud ?
La technologie a désormais le goût d’une religion qui aurait perdu sa foi : elle ne fédère qu’autour de la promesse d’un miracle en suspens, et son clergé — développeurs, marketeurs et investisseurs — s’agite en prêtre du nouveau vide. Peut-être qu’un soir, sous une aurore boréale (celle-ci aussi packagée par la NOAA, avec mode d’emploi optimal pour Instagram), l’un de ces dons du ciel rappellera que, du cloud au nuage, il n’y a parfois qu’une différence de perspective : admirer vraiment, ou consommer plus, telle est la question des modernes. En attendant, la tech, elle, continue d’invoquer la magie… jusqu’à la prochaine mise à jour.
